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DE LA SECONDE ÉDITION.

Da veniam scriptis, quorum non gloria nobis
Causa, sed utilitas, officiumque fuit.

OVIDIUS, Epistolæ ex Ponto, III, 9.

DANS

ANS ce siècle, où le goût des recherches est généralement répandu, la Bibliographie proprement dite, cette branche essentielle de l'histoire littéraire, n'a pas été cultivée, en France, avec moins de succès que les autres sciences positives; c'est ce qu'attestent les ouvrages des abbés de Saint-Léger et Rive, du P. Laire, de MM. Van Praet, Chardon de la Rochette, Adry, Barbier, Renouard, etc.; mais malheureusement ces savans n'ont pas étendu leurs travaux au-delà de quelques parties de la Bibliographie; en sorte que les seuls ouvrages composés sur un plan général, que nous ayons, tels que les Abrégés et les Dictionnaires, ont été abandonnés à des compilateurs peu soigneux, qui n'ont fait par eux-mêmes aucune recherche, et se sont tout simplement contentés de copier leurs prédécesseurs, dont ils n'étaient point capables d'apercevoir les défauts. Cependant, malgré leur imperfection, ces livres, d'une forme commode, ont obtenu du succès; ils ont été fréquemment consultés, et même cités comme autorités par des personnes qui, peu versées dans la Bibliographie, ont pu facilement être induites en erreur de là, les fautes sans nombre qui se sont glissées dans nos Dictionnaires historiques, dans nos Biographies, et jusque dans des traités spéciaux de Bibliographie, où elles sont presque impardonnables. Ainsi la Bibliographie instructive de Guillaume-François de Bure, publiée de 1765 à 1768, en 7 vol. in-8. est encore le seul livre de son genre qui doive tenir une place dans les bibliothèques, et auquel les amateurs puissent recourir avec quelque confiance. Cependant cet ouvrage lui-même, si justement estimé, et qui suppose dans son auteur une connaissance étendue du sujet qu'il a traité, cet ouvrage, composé depuis près d'un demi-siècle, comme on vient de le voir, n'est pas aujourd'hui au courant de la science; car, sans parler des ouvrages excellens et des éditions magnifiques qui ont paru depuis cette époque et que par conséquent l'autour de la Bibliographie n'a pu connaître combien de découvertes n'a-t-on pas faites depuis 1768; de combien de livres rares et curieux, inconnus à de Bure, n'avons-nous pas description dans des traités ou dans des catalogues faits avec autant d'exactitude que de méthode, par des savans bibliographes, soit natio

la

naux soit étrangers, et que l'on regrette de ne point trouver dans la Bibliographie instructive? D'après cela, il était permis de croire qu'un supplément qui, en corrigeant les fautes assez nombreuses qu'on remarque dans cet ouvrage, en eût réparé les omissions, et Teût conduit jusqu'à l'époque actuelle, pourrait être une entreprise utile. Très-jeune encore, je tentai ce travail, après avoir publié, avec trop de précipitation, un Supplément au Dictionnaire bibliographique qui porte le nom de Cailleau; mais bientot je l'abandonnai, convaincur que si je voulais donner à cette nouvelle continuation toute l'étendue dont elle était susceptible, je ne devais pas songer à faire moins de 10 à 12 volumes, imprimés comme ceux de de Bure: certes, cette tâche était alors au-dessus de mes forces mais, l'eussé-je remplie avec l'habileté qu'elle demandait, je n'en pouvais attendre qu'un bien faible succès; car un ouvrage de bibliographie en 18 ou 20 volumes se place seulement dans quelques grandes bibliothèques, et son utilité n'est connue que d'un petit nombre de personnes. D'ailleurs, si un supplément à la Bibliographie de de Bure peut être exécuté, c'est d'une autre main que la mienne que le public est en droit de l'attendre.

:

Cependant je ne renonçai pas à une étude à laquelle je m'étais d'abord livré par devoir, et qui insensiblement était devenue pour thòi un goût dominant. Mes recherches m'avaient déjà procuré de uombreux matériaux, qu'il ne s'agissait plus que de mettre en ordre pour en former un livre plus utile pour le public et pour moi, que ne l'aurait été celui dont je m'étais d'abord occupé. Mais quelle forme devais-je donner à ce nouvel ouvrage ? C'est sur quoi je fus quelque temps indécis; car si l'ordre alphabétique, dans un ouvrage de bibliographie, est le plus commode pour trouver promptement un renseignement sur un livre dont on connaît ou le titre ou le nom de l'auteur, il ne faut pas se dissimuler d'un autre côté qu'il ne soit quelquefois insuffisant. Par exemple, si l'on veut connaître quelles sont les productions qu'il est le plus essentiel de se procurer sur telle ou telle partie des sciences ou de la littérature, ce n'est point dans un dictionnaire qu'on ira chercher ces renseignemens, à moins qu'on ne se décide à le feuilleter d'un bout à l'autre ; on préférera donc avoir recours à un ouvrage où les titres des livres sont classés méthodiquement, et où l'on puisse espérer trouver avec facilité ce qu'on eût peut-être vainement cherché long-temps dans un Dictionnaire. J'ai donc pensé qu'un ouvrage qui réunirait, dans un cadre resserré, l'ordre alphabétique à l'arrangement méthodique, pourrait avoir quelque avantage sur ceux qui l'ont précédé, surtout s'il était le résultat de longues recherches et de nonbreuses vérifications; en un mot, si, sans être une simple compilation, il offrait la substance de ce que contiennent de meilleur les ouvrages de Bibliographie spéciale les plus accrédités.

C'est dans cette persuasion que j'ai entrepris le Manuel du Libraire et de l'Amateur de livres, que je publie, et dont je vais tâcher d'exposer le plan en peu de mots.

Les trois premiers volumes de ce Manuel contiennent un Dictionnaire, dans lequel on trouvera indiqués les livres anciens qui sont à la fois rares et précieux, et un grand nombre d'ouvrages modernes, qui, par leur mérite bien reconnu, leur singularité, la beauté de leur exécution, les gravures dont ils sont ornés, ou par quelques autres particularités, peuvent figurer parmi les livres précieux, et demandent quelques notes explicatives.

Ce n'est donc pas une Bibliographie complète que j'ai voulu faire, mais un Dictionnaire composé de livres choisis. D'après cela, je me suis vu en droit d'écarter de mon ouvrage une foule de livres anciens qui, malgré leur rareté, ne sont recherchés que de très-peu d'amateurs, et qui ne peuvent guère tenir un rang dans les bibliothèques, ni comme ouvrages utiles, ni même comme objets de curiosité (1). J'ai dû pareillement ne point faire entrer dans ce Dictionnaire les ouvrages modernes qui, quoique bons et recherchés, n'ont qu'une valeur médiocre : j'ai réservé ces sortes de livres pour la Table méthodique, dans laquelle ils doivent nécessairement trouver leur place.

Si je me suis quelquefois écarté de ce plan, ce n'a été que pour compléter les articles de certains auteurs, pour donner la suite des éditions d'un même ouvrage, pour indiquer les traductions des écrits dont je faisais connaître les originaux, pour annoncer quelques recueils volumineux, et enfin, par respect pour plusieurs ouvrages estimables, qui, quoique tombés en discrédit dans le commerce, n'en sont pas moins recherchés des gens de lettres.

Les livres sont placés dans ce Dictionnaire, ou sous le nom de l'auteur, ou d'après les premiers mots du titre, lorsqu'il s'agit d'ouvrages dont les auteurs ne se sont pas nommés (2); et pour ces derniers, j'ai eu souvent recours à l'excellent Dictionnaire des ouvrages anonymês et pseudonymes de M. Barbier.

Je me suis attaché à donner avec précision les titres, et ne pouvant les copier en entier, j'ai tâché de garder un juste milieu entre un titre trop long et un titre tronqué. Dans les notes que j'y ai jointes, je me suis presque toujours abstenu de porter des jugemens sur le mérite des livres. De quel droit, en effet, me serais-je érigé en censeur universel ? Je me suis seulement permis de dire que tel ouvrage était estimé, que telle édition était préférable à telle autre, parce que ces observations sont ou le résultat de l'opinion générale, ou celui de la comparaison que j'ai faite de plusieurs éditions entre elles.

(1) Si j'avais admis indifféremment dans ce Manuel tous les livres difficiles à trouver, il est certain que j'aurais pu y faire entrer facilement plus de cent mille articles, puisque les seules annales typographiques de Panzer, qui ne vont que jusqu'à l'année 1536, m'en auraient fourni au moins quarante mille, auxquels on ne peut pas refuser la qualification de rares.

(2) J'ai pensé qu'il était convenable de placer toutes les éditions de la Bible entière, ou de l'ancien Testament, au mot BIBLIA; et toutes celles du nouveau Testament, au mot TESTAMENT. J'ai placé les romans de chevalerie, qui n'ont point de nom d'auteur, au nom du héros du roman, comme ARTUS, GYRON, LANCELOT,

etc.

Le but que je me suis proposé est de faire connaître principalement les livres précieux, de donner une idée de leur valeur, de signaler les contrefaçons, de faire remarquer ces ruses trop communes par lesquelles, au moyen de titres rafraîchis, on a voulu faire passer d'anciennes éditions pour de nouvelles, et quelquefois même des ouvrages tombés dans l'oubli pour des productions récemment publiées. On doit trouver dans un livre du genre du mien, des renseignemens exacts sur les collections volumineuses, sur la manière de collationner les ouvrages composés de pièces séparées, sur le nombre de gravures contenues dans certains livres difficiles à vérifier, sur la quantité de feuillets dont se composent des volumes dépourvus de pagination ou de signatures, en un mot, tout ce qui concerne le matériel d'un livre, et ce qui est essentiellement du ressort du Libraire.

J'ai apporté une attention particulière aux éditions princeps des auteurs classiques grecs et latins, et aux premières productions typographiques des plus anciens imprimeurs; mais n'ayant que fort peu d'espace à consacrer à mes notes, et me trouvant resserré dans des colonnes étroites, je n'ai pu figurer exactement les souscriptions de ces anciens livres. Je me suis donc contenté de composer les titres que j'en donnais, de fragmens pris soit au commencement, soit à la fin des volumes; d'en conserver exactement l'orthographe, bonne ou mauvaise, et de donner, dans de courtes notes, les signes caractéristiques qui les distinguent. Cependant je me suis quelquefois étendu davantage au sujet de certains articles très-précieux qui avaient échappé aux recherches des Bibliographes, ou qui n'avaient été qu'imparfaitement décrits.

Je n'ai pas cru nécessaire de répéter à chaque édition publiée avec date, dans les premières années de la typographie, qu'elle était imprimée sans chiffres, réclames ni signatures, parce qu'on sait bien qu'à cette époque ces signes nécessaires pour indiquer l'ordre des feuillets d'un livre, n'étaient que très-rarement mis en usage. J'ai réservé ces détails pour les éditions sans date, ni nom d'imprimeur, ni désignation de lieu, qu'il était essentiel de décrire de manière à les faire reconnaître facilement. Ces indications doivent mériter d'autant plus de confiance, qu'elles ont presque toujours été prises sur les livres mêmes. Qu'il me soit permis, à cette occasion, de témoigner à M. Van Praet toute ma reconnaissance pour la complaisance qu'il a bien voulu avoir de me communiquer les livres les plus précieux que possède la Bibliothèque du Roi, dont il est l'un des conservateurs les plus distingués: si mon ouvrage contient quelques notes intéressantes relatives aux premiers monumens de l'art de l'imprimerie, c'est principalement à la facilité d'avoir eu sous les yeux ces précieux objets que j'en suis redevable.

Cependant, comme il ne m'a pas été possible de me procurer toutes les éditions anciennes dont je parle, j'ai cru pouvoir m'en rapporter, pour celles que je n'avais pas eues à ma disposition, aux ouvrages du P. Audiffredi, aux Annales typographiques de Panzer, à la nouvelle

édition des Typographical Antiquities, donnée par M. Dibdin, et quelquefois même au Dictionnaire de M. la Serna Santander. (1) D'après les recherches que j'ai faites sur cette importante partie de la Bibliographie, j'ai lieu d'espérer que mon ouvrage pourra, à cet égard, être regardé comme un supplément nécessaire de la Bibliographie instructive, et même des Annales de Panzer.

Quoique les éditions du quinzième siècle m'aient paru mériter un soin particulier, je n'ai pas négligé les livres plus modernes ; les auteurs classiques grecs et latins, les ouvrages qui servent à leur intelligence, l'ancienne littérature française, les sciences et l'histoire ont aussi partagé mon attention, et ont été tour à tour l'objet de mes recherches. J'ai donné une étendue raisonnable à ce qui concerne la littérature italienne, espagnole et anglaise; et l'on verra que j'ai eu, pour cette dernière, des secours qu'aucun bibliographe français n'avait eus avant moi, mais dont je n'ai usé qu'avec la mesure qui convenait au plan et à la nature de mon ouvrage. Bien que la littérature allemande soit en général trop négligée en France, elle y trouve cependant encore assez de partisans, pour que j'aie dû lui consacrer une place, soit dans mon Dictionnaire, soit dans le Catalogue qui l'accompagne. La littérature orientale n'a pas non plus été oubliée ; mais ignorant complétement les langues qui la composent, je n'ai pas pu en faire un des objets essentiels de mes recherches.

Pour les éditions sorties des presses des Alde, je m'en suis presque toujours rapporté à l'ouvrage de M. Renouard, dont j'ai reconnu, par expérience, toute l'exactitude. L'ouvrage d'Angelo-Maria Bandini m'a été également utile pour les éditions des Junte.

J'ai puisé de bons renseignemens dans la Bibliothèque de D. Clément : dans la Bibliothèque de la France, du P. le Long; dans la Bibliographie de de Bure; dans les Catalogues du duc de la Vallière, par MM. de Bure et Nyon; de Crévenna; de Pinelli, par M. Morelli; de M. Banks;

(1) En faisant usage de ces ouvrages, j'ai eu grand soin de ne m'y arrêter qu'à des éditions bien avérées, et de rejeter celles dont l'existence n'est pas confirmée par de bonnes autorités; cette circonspection était d'autant plus essentielle, que, si l'on adoptait sans examen toutes les notes qui se trouvent dans les ouvrages de Bibliographie, même dans ceux qui sont justement estimés, on serait souvent induit en erreur. Par exemple, je trouve dans le Catalogue de Crévenna, édition de 1775, tome 3, prem. partie, page 246, l'indication bien circonstanciée d'une édition du Commentaire de Caldérin sur Juvénal, Romæ, kal. septembris 1474, pet. in-fol. ; qui ne croirait, d'après cela, que cette édition a été véritablement imprimée à Rome en 1474? cependant le P. Audiffredi ( Catalogus Romanarum edit. sæculi xr, pages 157 et 158) a prouvé que cette édition, publiée par Calphurnius Brixiensis, avait été imprimée à Venise, postérieurement au Commentaire de Caldérin sur Martial, sorti des presses de Jac. de Rubeis, Idib. sept. 1474, et que la date kal. septembris, 1474. était relative à la composition de l'ouvrage, et non pas à son impression. Convaincu par le raisonnement du savant bibliographe romain, le rédacteur du second Catalogue de Crévenna, tome 3, no 4055, a terminé le titre qu'il donne de cette édition, de la manière suivante: Editi Roma, kal. septembris 1474, sine anno, et loco typogr. (sed Venetiis, per Antonium Moretum, circa 1490); et d'après cette annonce volume n'a été vendu qu'un florin (2 liv. 4 s. ), ainsi qu'on peut le voir dans la liste imprimée des prix de la vente de Crévenna.

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