PRÉFACE Je ne connaissais, je l'avoue, Gabriel Malès que par un incident, déplorable, entre mille, de l'histoire du régime directorial. Le 1or messidor an V, un débat relatif aux pouvoirs financiers du Directoire s'étant passionné jusqu'au paroxysme, deux députés se prirent à la gorge au pied de la tribune des Cinq-Cents et une scène de pugilat eut lieu dont je ne peux croire qu'elle ait jamais pu se répéter au sein d'autres assemblées législatives. J'avais, il y a quinze ans, consigné ce trait dans mes notes comme caractéristique de l'extrême nervosité qui, à la veille du coup d'Etat de fructidor, surexcitait le monde politique. L'un des deux députés, l'autre étant Delahaye (de l'Aisne), était Malès (de la Corrèze). Et vovez le danger qu'il y a à juger les gens sur un coup de poing; je m'étais fait l'idée d'un Malès violent et tapageur. Et voici que M. Albert Duchêne est venu me peindre, en quatre cents pages nourries et attachantes, un Malès grave, un peu pesant, de bonne tenue bourgeoise et d'idées rassises. Est-ce parce que j'avais à faire, vis-à-vis de Malès, un acte de réparation, mais le personnage m'a intéressé. Il est resté obscur un siècle entier, et telle chose enseignerait l'humilité à des gens qui se croient à l'heure qu'il est gros personnages: Gabriel Malès, avocat distingué en son barreau provincial, a été non seulement député aux Etats Généraux et membre de la Constituante dont il a plusieurs fois abordé la tribune, député encore aux Cinq-Cents et membre du Tribunat, mais il a été président de ces CinqCents et président de ce Tribunat. Et je ne le connaissais que par un coup de poing que beaucoup de gens même sont excusables d'ignorer! |