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Au sortir de ce sang, ils couraient à la débauche. Il faut lire la vie du comte de Rochester', homme de cour et poëte, qui fut le héros du temps. Ce sont les mœurs d'un saltimbanque effréné et triste : hanter les tripots, suborner les femmes, écrire des chansons sales et des pamphlets orduriers, voilà ses plaisirs; des commérages parmi les filles d'honneur, des tracasseries avec les écrivains, des injures reçues, des coups de bâton donnés, voilà ses occupations. Pour faire le galant, avant d'épouser sa femme, il l'enlève. Pour étaler du scepticisme, il finit par refuser un duel et gagner le nom de lâche. Cinq ans durant, diton, il resta ivre. La fougue intérieure, manquant d'une issue noble, le roulait dans des aventures d'arlequin. Une fois, avec le duc de Buckingham, il loua sur la route de Newmarket une auberge, se fit aubergiste, régalant les maris et débauchant les femmes. Il s'introduit déguisé en vieille chez un bonhomme avare, lui prend sa femme, qu'il passe à Buckingham. Le mari se pend; ils trouvent l'affaire plaisante. Une autre fois il s'habille en porteur de chaise, puis en "mendiant, et court les amourettes de la canaille. Il finit par se faire charlatan, astrologue, et vend dans

1. Voir une Étude détaillée sur Rochester, par M. Forgues. (Revue des Deux-Mondes, août et septembre 1857.)

les faubourgs des drogues pour faire avorter. C'est le dévergondage d'une imagination véhémente, qui se salit comme une autre se pare, qui se pousse en avant dans l'ordure et dans la folie comme une autre dans la raison et dans la beauté. Qu'est-ce que l'amour pouvait devenir dans des mains pareilles? On ne peut pas copier même les titres de ses poëmes: il n'a écrit que pour les mauvais lieux. Stendahl disait que l'amour ressemble à une branche sèche jetée au fond d'une mine; les cristaux la couvrent, se ramifient en dentelures, et finissent par transformer le bois vulgaire en une aigrette étincelante de diamants purs. Rochester commence par lui arracher toute sa parure; pour être plus sûr de le saisir, il le réduit à un bâton. Tous les fins sentiments, tous les rêves, cet enchantement, cette sereine et sublime lumière qui transfigure en un instant notre misérable monde, cette illusion qui, rassemblant toutes les forces de notre être, nous montre la perfection dans une créature bornée, et le bonheur éternel dans une émotion qui va finir, tout disparaît; il ne reste chez lui qu'un appétit râssasié et des sens éteints; le pis, c'est qu'il écrit sans verve et correctement; l'ardeur animale, la sensualité pittoresque lui manquent; on retrouve dans ses satires un élève de Boileau. Rien de plus choquant que l'obscénité froide. On supporte les priapées de Jules Romain et la volupté vénitienne, parce que le génie y relève l'instinct physique, et que, la beauté de ses draperies éclatantes, transforme l'orgie en une œuvre d'art. On pardonne à Rabelais quand on a senti la séve profonde

Feasts

de joie et de jeunesse virile qui regorge dans ses ripailles on en est quitte pour se boucher le nez, et l'on suit avec admiration, même avec sympathie, le torrent d'idées et de fantaisies qui roule à travers sa fange. Mais voir un homme qui tâche d'être élégant en restant sale, qui veut peindre en langage d'homme du monde des sentiments de crocheteur, qui s'applique à trouver pour chaque ordure une métaphore convenable, qui polissonne avec étude et de parti pris, qui, n'ayant pour excuse ni le naturel, ni l'élan, ni la science, ni le génie, dégrade le bon style jusqu'à cet office, c'est voir un goujat qui s'occupe à tremper une parure dans un ruisseau. Après tout viennent le dégoût et la maladie. Tandis que la Fontaine reste jusqu'au dernier jour capable de tendresse et de bonheur, celui-ci à trente ans injurie la femme avec une âcreté lugubre. « Quand elle est jeune, elle se prostitue pour son plaisir; quand elle est vieille, « elle prostitue les autres pour son entretien. Elle « est un piége, une machine à meurtre, une machine « à débauche. Ingrate, perfide, envieuse, son naturel << est si extravagant, qu'il tourne à la haine ou à la bonté absurde. Si elle veut être grave, elle a l'air d'un démon; on dirait d'une écervelée ou d'une coureuse quand elle tâche d'être polie: disputeuse, perverse, indigne de confiance, et avide pour tout dépenser en luxure1. » Quelle confession qu'un tel jugement, et quel abrégé de vie! On voit à la fin le

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1. When she is young, she whores herself for sport:

viveur hébété, desséché comme un squelette, rongé d'ulcères. Parmi les refrains, les satires crues, les souvenirs de projets avortés et de jouissances salies qui s'entassent comme dans un égout dans sa tête lassée, la crainte de la damnation fermente; il meurt dévot à trente-trois ans.

Tout en haut, le roi donne l'exemple. « Ce vieux bouc, » comme l'appellent les courtisans, se croit gai et élégant; quelle gaieté et quelle élégance! L'air français ne va pas aux gens d'outre-Manche. Catholiques, ils tombent dans la superstition étroite; épicuriens, dans la grosse débauche; courtisans, dans la servilité basse; sceptiques, dans l'athéisme débraillé. Cette cour ne sait imiter que nos ameublements et nos costumes. L'extérieur de régularité et de décence que le bon goût public maintient à Versailles est rejeté d'ici comme incommode. Charles et son frère, en robe d'apparat, se mettent à courir comme au carnaval. Le jour où la flotte hollandaise brûla les navires anglais dans la Tamise, il soupait chez la duchesse de Monmouth et s'amusa à poursuivre un phalène. Au con

And when she's old, she bawds for her support....

She is a snare, a shamble, a stews.

Her meat and sawce she does for lechery chuse,
And does in laziness delight the more,

Because by that she is provoked to whore.
Ungrateful, treacherous, enviously enclined,
Wild beasts are tamed, floods easier far confined,
Than is her stubborn and rebellious mind....
Her temper so extravagant we find,
She hates or is impertinently kind.

Would she be grave, she then looks like a devil,
And like a fool or whore, when she be civil....
Contentions, wicked, and not fit to trust,

And covetous to spend it on her lust.

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seil, pendant qu'on exposait les affaires, il jouait avec son chien. Rochester et Buckingham l'injuriaient de reparties insolentes ou d'épigrammes dévergondées il s'emportait et les laissait faire. Il se prenait de gros mots avec sa maîtresse publiquement; elle l'appelait imbécile, et il l'appelait rosse. Il revenait de chez elle le matin, « si bien que les sentinelles elles-mêmes en parlaient'. Il se laissait tromper par elle aux yeux de tous; une fois elle prit deux acteurs, dont un saltimbanque. Au besoin, elle lui chantait pouille. « Le roi a déclaré qu'il n'était pas le père de l'enfant dont elle est grosse en ce moment; mais elle lui a dit : « Le diable m'emporte! vous le reconnaîtrez. » Là-dessus, il reconnaissait l'enfant, et prenait pour se consoler deux actrices. Quand arriva sa nouvelle épouse, Catherine de Bragance, il la séquestra, chassa ses domestiques, la brutalisa pour lui imposer la familiarité de sa drôlesse, et finit par la dégrader jusqu'à cette amitié. Le bon Pepys, en dépit de son cœur monarchique, finit par dire : « Ayant entendu le duc et le roi parler, et voyant et observant leurs façons de ■ s'entretenir, Dieu me pardonne, quoique je les admire avec toute l'obéissance possible, pourtant plus on les considère et on les observe, moins on trouve de différence entre eux et les autres hommes, quoique, grâce en soit rendue à Dieu, ils soient tous les deux des princes d'une grande noblesse et d'un beau naturel!» Il avait vu, un jour de fête,

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1. Tepys.

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