Зображення сторінки
PDF
ePub

tième siècle et nous appartient. Le monde ne nous déprave point, il nous développe; ce n'étaient pas seulement les manières et l'intérieur qu'il polissait alors, mais encore les sentiments et les idées. La conversation provoquait la pensée; elle n'était pas un bavardage, mais un examen; avec l'échange des nouvelles, elle provoquait le commerce des réflexions. La théologie y entrait, et aussi la philosophie; la morale et l'observation du cœur en faisaient l'aliment quotidien. La science gardait sa séve et n'y perdait que ses épines. L'agrément recouvrait la raison sans l'étouffer. Nulle part nous ne pensons mieux qu'en société : le jeu des physionomies nous excite; nos idées si promptes naissent en éclairs au choc des idées d'autrui. L'allure inconstante des entretiens s'accommode de nos soubresauts; le fréquent changement de sujets renouvelle notre invention; la finesse des mots piquants réduit les vérités en monnaie menue et précieuse, appropriée à la légèreté de notre main. Et le cœur ne s'y gâte pas plus que l'esprit. Le Français est de tempérament sobre, peu enclin aux brutalités d'ivrognes, à la jovialité violente, au tapage des soupers sales; il est doux d'ailleurs, prévenant, toujours disposé à faire plaisir; il a besoin, pour être à l'aise, de ce courant de bienveillance et d'élégance que le monde forme et nourrit. Et là-dessus il érige en maximes ses inclinations tempérées et aimables; il se fait un point d'honneur d'être serviable et délicat. Voilà l'honnête homme, œuvre de la société dans une race socfable. Il n'en était pas ainsi en Angleterre. Les

idées n'y naissent point dans l'élan de la causerie improvisée, mais dans la concentration des méditations solitaires; c'est pourquoi alors les idées manquaient. L'honnêteté n'y est pas le fruit des instincts sociables, mais le produit de la réflexion personnelle; c'est pourquoi alors l'honnêteté était absente. Le fonds brutal était resté, l'écorce seule était unie. Les façons étaient douces et les sentiments étaient durs; le langage était étudié, les idées étaient frivoles. La pensée et la délicatesse d'âme étaient rares, les talents et l'esprit disert étaient fréquents. On y rencontrait la politesse des formes, non celle du cœur; ils n'avaient du monde que la convention et les convenances, l'étourderie et l'étourdissement.

VII

Les comiques anglais peignent ces vices et les ont. Quelque chose s'en répand sur leur talent et sur leur théâtre. L'art y manque, et la philosophie aussi. Les écrivains ne vont pas vers une idée générale, et ils ne vont pas par le chemin le plus droit. Ils composent mal, et s'embarrassent de matériaux. Leurs pièces ont communément deux intrigues entre-croisées, visiblement distinctes1, réunies pour amonceler les événements, et parce que le public a besoin d'un surcroît de personnages et de faits. Il faut un gros courant d'ac

1. Dryden s'en vante. Il y a toujours chez lui une comédie com-` plète amalgamée grossièrement avec une tragédie complète.

tions tumultueuses pour remuer leurs sens épais; ils font comme les Romains, qui fondaient en une seule plusieurs pièces attiques. Ils s'ennuient de la simplicité, de l'action française, parce qu'ils n'ont pas la finesse du goût français. Leurs deux séries d'actions se confondent et se heurtent. On ne sait où l'on va; à chaque instant, on est détourné de son chemin. Les scènes sont mal liées; elles changent vingt fois de lieu. Quand l'une commence à se développer, un déluge d'incidents vient l'interrompre. Les conversations parasites traînent entre les événements. On dirait d'un livre où les notes sont pêle-mêle entrées dans le texte. Il n'y a pas de plan véritablement calculé et rigoureusement suivi; ils se sont donné un canevas, et en écrivent les scènes au fur et à mesure, à peu près comme elles leur viennent. La vraisemblance n'est pas bien gardée; il y a des déguisements mal arrangés, des folies mal simulées, des mariages de paravent, des attaques de brigands dignes de l'opéra-comique. C'est que pour atteindre l'enchaînement et la vraisemblance, il faut partir de quelque idée générale. Une conception de l'avarice, de l'hypocrisie, de l'éducation des femmes, de la disproportion en fait de mariage, arrange et lie par sa vertu propre les événements qui peuvent la manifester. Ici cette conception manque. Congreve, Farquhar, Vanbrugh ne sont que des gens d'esprit et non des penseurs. Ils glissent à la surface des choses, ils n'y pénètrent pas. Ils jouent avec les personnages. Ils visent au succès, à l'amusement. Ils esquissent des caricatures, ils filent vivement la con

versation futile et frondeuse; ils heurtent les répliques, ils lancent les paradoxes; leurs doigts agiles manient et escamotent les événements en cent façons ingénieuses et imprévues. Ils ont de l'entrain, ils abondent en gestes, en ripostes; le va-et-vient du théâtre et la verve animale font autour d'eux comme un petillement. Néanmoins tout ce plaisir reste à fleur de peau; on n'a rien vu du fonds éternel et de la vraie nature de l'homme; on n'emporte aucune pensée; on a passé une heure, et voilà tout; le divertissement vous laisse vide, et n'est bon que pour occuper des soirées de coquettes et de fats.

Ajoutez que ce plaisir n'est pas franc; il ne ressemble point au bon rire de Molière. Dans le comique anglais, il y a toujours un fonds d'âcreté. On l'a vu, et de reste, chez Wycherley; les autres, quoique moins cruels, raillent âprement. Leurs personnages, par plaisanterie, échangent des duretés; ils s'amusent à se blesser; un Français souffre d'entendre ce commerce de prétendues politesses; nous n'allons point par gaieté à des assauts de pugilat. Leur dialogue tourne naturellement à la satire haineuse; au lieu de couvrir le vice, il le met en saillie; au lieu de le rendre risible, il le rend odieux. « A quoi avez-vous passé la A chercher tous

a

[ocr errors]

nuit? dit une dame à son amie.

les moyens de faire enrager mon mari.

[blocks in formation]

tonnant que vous paraissiez si fraîche ce matin après une nuit de rêveries si agréables! » Ces

[blocks in formation]

Prithee, tell me how you have passed the night?

femmes sont vraiment méchantes et trop ouvertement. Partout ici le vice est cru, poussé à ses extrêmes, présenté avec ses accompagnements physiques. « Quand « j'appris que mon père avait reçu une balle dans la

[ocr errors]
[ocr errors]

D

tête, dit un héritier, mon cœur fit une cabriole jusqu'à mon gosier. Consultez les veuves de la ville, << dit une jeune dame qui ne veut pas se remarier, << elles vous diront qu'il ne faut pas prendre à bail fixe << une maison qu'on peut louer pour trois mois1. Les gentlemen se collettent sur la scène, brusqent les femmes aux yeux du public, achèvent l'adultère à deux pas, dans la coulisse. Les rôles ignobles ou féroces abondent. Il y a des furies comme mistress Loveit et lady Touchwood. Il y a des pourceaux comme le chapelain Bull et l'entremetteur Coupler. Lady Touchwood, sur la scène, veut poignarder son amant2;

ARAMINTA.

Why, I have been studying all the ways my brain could produce to plague my husband.

CLARISSA.

No wonder, indeed, you look so fresh this morning, after the satisfaction of such pleasant ideas all night. (Vanbrugh, Confederacy, II, 1.)

1. Lady Fidget dit :

Our virtue is like the statesman's religion, the Quaker's word, the gamester's oath, and the great man's honour, but to cheat those that trust us. (Wycherley, Love in a Wood.)

If you consult the widows of the town, they'll tell you, you should never take a lease of a house you can hire for a quarter's warning. (Vanbrugh, Relapse, acte II, fin.)

My heart cut a caper up to my mouth when I heard my father was shot through the head. (Ibid.)

2.

LADY TOUCHWOOD (à Maskwell).

You want but leisure to invent fresh falsehood, and sooth me to a

« НазадПродовжити »