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L'homme

monde; toute la fondation des Cieux s'ébranleroit jufques dans fon centre, la nature frémiroit jufques au Trône de Dieu: tout cet ordre admirable feroit rompu. Pour qui? pour toi, ver méprifable! O folie, orgueil, impiété!

Que fi le pié deftiné à fouler la pouffiére, ou la main destinée au travail, afpiroit d'être la tête: fi la tête, l'œil ou l'oreille fe fâchoient de n'être que les purs inftrumens de l'efprit qui les gouverne: quelle abfurdité! Et ce n'en eft pas une moindre, fi dans cette fabrique générale, une partie prétend être une autre partie, & fe révolter contre la tâche ou la peine que le grand Elprit ordonnateur de tout, a marquée.

Tout ce qui eft, n'est que partie d'un tout furprenant dont la nature eft le corps, & dont Dieu eft l'ame, il fe diverfifie dans chaque être, & cependant il est toujours le même. Il eft auffi grand dans l'œconomie de la terre que dans celle de la machine éthérée. Il échauffe dans le foleil, rafraîchit dans le zéphir, brille dans les étoiles & fleurit fur les arbres. Il vit dans chaque vie, s'étend dans toute étendue, fe répand fans fe partager, donne fans rien perdre, refpire dans notre ame, anime notre partie mortelle, également parfait dans la formation d'un cheveu que dans celle du cœur, dans l'homme vil qui fe plaint, & dans le Séraphin transporté qui n'eft qu'amour & que louange: pour lui, rien de haut, de bas, de grand, de petit; il remplit, il limite, il enchaîne, il égale tout.

Ceffe donc, & ne taxe point cet ordre d'imdoit donc, perfection. Notre bonheur dépend de ce que tant par rap-nous blâmons. Connois ton être, ton point. Le port à fon état préfent, Ciel t'a donné un jufte, un heureux dégré d'aqu'à fon état veuglement & de foibleffe. Soumets - toi, für futur, avoir d'être auffi heureux que tu peux l'être dans cette une foumif- fphére ou dans quelqu'autre fphére que ce foit; fion abfolue & fûr, foit dans l'heure de ta nailfance, foit dence. dans celle de ta mort, de trouver ton falut entre les mains de qui difpofe de tout. Toute la nature cft un art, & un art qui t'eft inconnu: le hazard eft une direction que tu ne faurois voir;

à la Provi

la difcorde eft une harmonie que tu ne comprends point; le mal particulier eft un bien général: & en dépit de l'orgueil, en dépit d'une raifon qui s'égare, cette vérité eft évidente; QUE TOUT CE QUI EST, EST BIEN.

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'L'affaire de

l'homme cft l'homme. Sa

EPITRE II.

De la nature & de l'état de l'Homme par rapport à lui-même, confidéré comme individu.

A

Pprends- donc à te connoître toi-même, &
ne préfume point de développer la divinité.
L'étude
de l'homme, eft l'homme.
propre

nature, fes Placé dans une efpéce d'ifthme, être d'un état
puiffances,
fes foibleffes mixte, obfcurément habile, groffiérement grand
& les limites avec trop de connoiffance pour le doute fcepti-
de fa capa que, & trop de foibleffe pour la fierté ftoïque;

eité.

il eft comme fufpendu entre deux, dans l'incer titude d'agir ou de rien faire, de fe croire un Dieu ou une brute, de donner la préférence ou au corps ou à l'efprit. Il n'eft né que pour mourir; il ne raifonne prefque que pour s'égarer; & telle eft cette raifon, qu'elle s'égare également pour penfer trop & pour penfer trop peu: cahos de raisonnement & de paffions; tout eft confus: continuellement abufé ou défabufé par lui-même: créé en partie pour s'élever & en partie pour tomber; maître de toutes chofes, eft lui-même cependant la proie de toutes: feul Juge de la vérité, & fe précipitant fans fin dans l'erreur, la gloire, le jouet, l'énigme du monde. Va, créature furprenante; monte où les fciences te portent; mefure la terre, péfe l'air, régle les marées, inftruis les planétes du cours qu'elles doivent obferver: corrige le vieux tems, & guide le foleil. Eléve-toi avec Platon jufques à l'empirée, jufqu'au premier bien, au premier parfait, au premier beau: ou entre dans les labyrinthes qu'ont frayé fes fucceffeurs, & prétends qu'en abandonnant le bon fens tu imites Dieu;

femblable à ces Prêtres de l'Orient, qui par leurs agitations orbiculaires tombent dans des vertiges, & croient par leurs tournoyemens de tête, imiter le foleil. Va, & apprends à la Sageffe éternelle comment elle doit gouverner. Enfuite rentre en_toi-même; qu'y retrouveras-tu? imbécilité.

Lorfque dans ces derniers tems les êtres fupérieurs virent un homme mortel développer les loix de la nature, ils admirérent une telle habileté dans une figure terreftre, & ils regardoient Newton, comme nous regardons un finge adroit.

Peut-il, cet homme qui enfeigne aux Planétes les cercles qu'elles doivent décrire, peut-il décrire ou fixer un feul mouvement de l'ame? lui qui peut marquer leurs points d'élévation & d'abaiffement, peut-il expliquer fon commencement ou fa fin? Hélas; quel prodige! La partie fupérieure de l'homme peut s'élever fans obftacle, & empiéter d'art en art; mais quand l'homme travaille à fon propre ouvrage & qu'il s'occupe de lui-même, à peine a-t-il commencé, que ce que la raifon a tiffu, la paffion le défait."

mour propre

Deux principes régnent dans l'homme; l'amour Deux prinpropre qui excite, & la raifon qui retient. Et cipes des an'appellons point l'un un bien, l'autre un mal: &tions; l'achacun produit fa fin: l'un meut, l'autre gou- & la rafon. verne. Ce qui convient à leur coopération doit L'un & l'auêtre appellé bien; ce qui y répugne, doit être tre égaleappellé mal.

ment nécefL'amour propre, fource du mouvement, fait faires. agir l'ame. La raifon, en comparant & balançant, gouverne le tout. Sans l'un de ces principes, l'homme feroit dans l'inaction, & fans l'autre il feroit dans une action fans fin. Il feroit ou comme une plante, fixé fur fa tige, pour végéter, multiplier & pourrir; ou comme un météore enflammé traverfant le vuide fans aucune régle, détruifant les autres, détruit enfin par lui-même.

L'amour propre eft plus fort que

De ces deux principes d'impulfion & de comparaifon, le premier doit avoir plus de force; fon opération cft active; il infpire, il excite, la raifon; & il preffe. Le fecond est tranquille & fans action; pourquoi?

Leur fin eft la même.

Les paffions & leur ufage

il est destiné à avifer, délibérer, retenir. La force de l'amour propre eft plus puiffante, à proportion de la proximité de fon objet; le bien lui eft immédiat par le fentiment préfent. La raifon ne l'envifage que dans un certain tems, une certaine diftance; elle le préfage dans l'avenir, le confidere dans les conféquences. Les tentations viennent en foule, en plus grand nombre que les argumens: & ce qu'on peut dire de mieux; c'eft que la raifon a plus de lumiere, & que l'amour propre a plus de force. Pour le modérer, fervez-vous de la raifon; écoutez-la & la cultivez toujours. L'attention, l'habitude & l'expérience peuvent beaucoup; chacune d'elles fortifie la raifon, reftreint l'amour propre.

Que les fubtiles Scholaftiques plus attachés à divifer qu'à réunir, apprennent à ces deux puif fances amies, à fe battre; eux qui du tranchant le plus téméraire, féparent adroitement la grace de la vertu, & le fens de la raifon; prétendus beaux efprits, qui comme des foux fe font la guerre fur un mot, qu'auffi fouvent que généralement ils n'entendent point ou qu'ils entendent de la même maniére pour le fond. L'amour propre & la raifon tendent vers une feule fin: la peine eft leur averfion, le plaifir eft leur defir; mais l'un avide voudroit dévorer fon objet, l'autre voudroit extraire le miel fans bleffer la fleur. Le plaifir, bien ou mal entendu, eft notre plus grand bien, ou notre plus grand mal,

Nous pouvons appeller les paffions, les modifications de l'amour propre. Le bien réel ou apparent les met en mouvement; mais comme tout bien n'eft pas de nature à être partagé, & que la raifon veut qu'on travaille à fe pourvoir, il y a des paffions qui, quoique concentrées en nous-mêmes, peuvent, lorfque les moyens font honnêtes, être admifes au rôle de la raifon & mériter fes foins: les paffions qui afpirent à par tager les biens, vifent à un plus noble but, ennobliffent leur efpéce, & prennent le nom de

vertus.

Que le Stoïque fier d'une infenfibilité oifive

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