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il y a une pensée de plaisir. Chez les uns la sensualité effrénée, chez les autres la gaieté malicieuse sont des excuses; on éprouve du scandale, mais non du dégoût; on n'aime point à voir dans un homme une fureur de taureau ou une polissonnerie de singe, mais le taureau est si ardent et si fort, le singe si spirituel et si leste, que l'on finit par regarder ou s'égayer. Puis, quelque grossières que soient leurs peintures, il s'agit chez eux des accompagnements de l'amour; Swift ne touche qu'aux suites de la digestion, et il n'y touche qu'avec dégoût et par vengeance; il les verse avec horreur et ricanement sur les misérables qu'il décrit. Qu'on n'aille point ici le comparer à Rabelais; notre bon géant, médecin et ivrogne, s'étale joyeusement sur son fumier sans penser à mal; le fumier est chaud, commode; on y est bien pour philosopher et cuver son vin. Élevées à cette énormité et savourées avec cette insouciance, les fonctions corporelles deviennent poétiques. Quand les tonneaux se vident dans son gosier et que les viandes s'engloutissent dans son estomac, l'on prend par sympathie part à tant de bien-être; dans les ballottements de ce ventre colossal et dans le rire de cette bouche homérique, on aperçoit comme à travers une fumée les souvenirs des religions bachiques, la fécondité, la joie monstrueuse de la nature; ce sont les magnificences et les dévergondages de ses premiers enfantements. Au contraire, le cruel esprit positif ne s'attache qu'aux bassesses; il ne veut voir que l'envers des

choses; armé de douleur et d'audace, il n'épargne aucun détail ignoble, aucun mot cru. Il entre dans le cabinet de toilette', il conte les désenchantements de l'amour, il le déshonore par un mélange de pharmacie et de médecine, il décrit le fard et le reste. Il va se promener le soir le long des murs solitaires, et dans ces lamentables recherches il a toujours le microscope en main. Jugez de ce qu'il voit et de ce qu'il souffre; c'est là sa beauté idéale et sa conversation badine, et vous devinez qu'il aura pour philosophie comme pour poésie et pour politique l'exécration et le dégoût.

V

Ce fut chez sir William Temple qu'il écrivit le Conte du Tonneau, au milieu de toutes sortes de lectures, comme un abrégé de la vérité et de la science. C'est pourquoi ce conte est la satire de toute science et de toute vérité.

De la religion d'abord. Il semble y défendre l'Église d'Angleterre ; mais quelle Église et quel symbole ne sont pas enveloppés dans son attaque? Pour égayer son sujet, il le profane et réduit les questions de dogmes à une question d'habits. Un père avait trois

1. The lady's dressing-room. 2. Strephon and Chloe.

3. A Love-poem from a Physician.

4. The Progress of Beauty.

5. The Problem. Lire surtout Examination of certain abuses.

fils, Pierre, Martin et Jean; il leur légua en mourant à chacun un habit, les avertissant de le tenir propre et de le brosser souvent. Les trois fils obéirent quelque temps et voyagèrent honnêtement, tuant « un nombre raisonnable de géants et de dragons2. » Malheureusement, étant venus à la ville, ils en prirent les mœurs, devinrent amoureux de plusieurs grandes dames à la mode, la duchesse of Money, milady Great-Titles, la comtesse of Pride, et, pour gagner leurs faveurs, se mirent à vivre en galants, fumant, jurant, faisant des vers et des dettes, ayant des chevaux, des duels, des filles et des recors. Une secte s'était établie, posant en principe que le monde était une garde-robe d'habits, «car qu'est-ce qu'on

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appelle terre, sinon un pourpoint bariolé de vert, <«< et qu'est-ce que la mer, sinon un gilet couleur << d'eau? Le hêtre a sur la tête une très-galante per« ruque, et il n'y a pas de plus joli justaucorps blanc << que celui du bouleau. » De même pour les qualités de l'âme : « la religion n'est-elle pas un man«teau, et la conscience une culotte, qui, quoique

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employée à couvrir la saleté et l'impudicité, se <«< met bas très-aisément pour le service de l'une et « de l'autre ? » C'est l'habit qui fait l'homme, « et « lui donne la beauté, l'esprit, le maintien, l'édu<< cation, l'importance. Si certains morceaux d'her<< mine et de fourrure sont placés en un certain en

1. La vérité chrétienne.

2. Persécutions et combats de l'Église primitive.

la

<«< droit, nous les appelons un juge; de même une « réunion convenable de dentelles et de satin noir « se nomme un évêque '. » Ils prouvaient aussi « que le vêtement est l'âme, et encore par l'Écriture, « car c'est en lui que nous avons le mouvement, « vie et l'être. » C'est pourquoi nos trois frères, n'ayant que des habits fort simples, se trouvèrent très-embarrassés. Par exemple, la mode en ce moment était aux noeuds d'épaule (sholder-knots), et le testament de leur père leur défendait expressément d'ajouter, de changer, ou d'ôter rien à leurs habits. « Après beaucoup de réflexions, l'un des frères, qui se trouvait plus lettré que les deux « autres, dit qu'il avait trouvé un expédient. Il est vrai, dit-il, qu'il n'y a rien ici dans ce testament qui fasse mention, totidem verbis, des nœuds d'é

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paule! mais j'ose conjecturer que nous les y trou<«< verons inclus, totidem syllabis. Cette distinction

1. Thy held the universe to be a large suit of cloathes, which invests every thing that the earth is invested by the air; the air is invested by the stars, and the stars are invested by the primum mobile... What is that which some call land, but a fine coat laced with green? Or the sea but a wainscoat of watertabby?... You will find how curious journeyman nature has been to trim up vegetable beans. Observe how sparkish a periwig adorns the head of the beech, and what a fine doublet of white satin is worn by the birk... Is not religion a cloak, honesty a pair of shoes worn out in the dirt, self-love a surtout, vanity a shirt, and conscience a pair of breeches, which, though a cover for lewdness as will as nastiness, is easily slipt down for the service of both?... If certain hermines and furrs be placed in a certain position, we style them a judge; and so an apt conjunction of lawn and black satin, we intitle a bishop.

« fut à l'instant approuvée de tous. >> Mais par malheur la syllabe initiale ne se trouvait dans aucun endroit du testament. « Dans ce mécompte, le frère

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qui avait trouvé la première échappatoire reprit <«< courage et dit: Mes frères, il y a encore de l'espoir, car quoique nous ne puissions les trou«ver totidem verbis ni totidem syllabis, j'ose pro« mettre que nous les découvrirons tertio modo, ou « totidem litteris. Cette invention fut hautement approuvée. Là-dessus ils se mirent à scruter le ma<«<nuscrit et trièrent le premier mot : shoulder; mais « la même planète, ennemie de leur repos, fit ce <«< miracle qu'un K fut introuvable. C'était-là une grosse difficulté. Cependant le frère aux distinctions, maintenant qu'il avait mis la main à l'ou« vrage, prouva par un très-bon argument que K <«< était une lettre moderne, illégitime, inconnue aux âges savants, et qu'on ne rencontrait dans aucun « ancien manuscrit. Là-dessus toute difficulté s'éva<< nouit; les nœuds d'épaule furent prouvés claire<«<ment être d'institution paternelle, jure paterno, et << nos trois gentilshommes s'étalèrent avec des nœuds d'épaule aussi grands et aussi pimpants que per<< sonne1. » D'autres interprétations admirent les

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1. In this unhappy case they went immediately to consult their father's will, read it over and over, but not a word of a Shoulder-Knot... After much thought, one of the brothers who happened to be more book-learned than the other two, said he had found an expedient. « It is true, said he, there is nothing in this will, totidem verbis, making mention of Shoulder-Knot; but I dare conjecture we may find them inclusive, or totidem

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