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PRÉFACE.

Notre siècle demande des idées neuves; est-il fatigué de tant de compilations qui reproduisent les mêmes faits, les mêmes pensées, sous des formes à peine variées? ou bien a-t-il des aspirations profondes vers l'avenir ? Quel qu'en soit le motif, il veut du nouveau. Le travail que nous livrons au public aura sans doute l'avantage de donner un peu de satisfaction à ce besoin de notre époque : car nous n'avons puisé nos idées à aucune source connue; et probablement, malgré les ressources merveilleuses avec lesquelles on parvient à priver de leur initiative les auteurs les plus originaux, on aura quelque peine à trouver chez nos devanciers, autre chose, sur le sujet que nous offrons au public, que des désirs et des espérances, ou que des indications à peine formulées. Mais, nous l'avouons sincèrement, l'idée de produire quelque chose de neuf n'a pas traversé un instant notre esprit; il nous fallait un but plus séduisant, un mobile bien plus entraînant pour nous engager à entreprendre et à mener à fin une œuvre hérissée de difficultés, et dont l'esprit le plus laborieux ne devait envisager qu'avec effroi la longueur désespérante. Ce but, ce motif sont assez définis par le

titre même de notre ouvrage, pour que nous nous abstenions de les faire valoir ici.

Il y a vingt et quelques années que l'idée d'imaginer une Langue universelle s'est présentée à nous, comme une de ces chimères auxquelles on finit par donner un corps à force de les revoir et de s'y attacher. Notre goût et nos études sur les Langues mortes et vivantes nous y conduisaient naturellement; c'est en effet ce que les philologues de tous les temps n'ont pu s'empêcher de rêver, quand ils ont reconnu les légères différences qui existent entre les formes grammaticales usitées chez tous les peuples. Mais les uns, trop adonnés aux plaisirs de la traduction ou au charme des littératures diverses, ont à peine donné accès à cette idée; les autres, effrayés par les variétés infinies des radicaux et l'immense matériel que la pensée fait peser sur la mémoire, après d'utiles essais pour coordonner quelques Langues entre elles, ont enrichi la science philologique de découvertes plus profitables peut-être encore à l'étude de l'histoire qu'à celle de la linguistique; les plus persévérants ont cherché, dans l'une des Langues les plus anciennes, les éléments radicaux de toutes les Langues modernes. Parmi ces derniers, nous avons eu l'avantage de connaître des hommes, aussi savants que modestes, dont les efforts, quoique empreints de l'esprit de système, ont été la cause probable de notre première inspiration. Frappé, comme eux, des relations profondes que les Langues modernes ont conservé avec l'hébreu, nous avons suivi quelque temps ces relations dans l'espoir d'y découvrir quelque côté pratique pour nos études quotidiennes.

Notre premier plan, sur une Langue universelle, s'appuyait sur les consonnes hébraïques; nous espérâmes qu'en revenant à la peinture de la consonne, sans nous préoccuper des voyelles qui changent sans cesse, nous obtiendrions des types qui, sous une

forme neuve, seraient interprétés par chaque peuple suivant leurs habitudes de prononciation, et offriraient dans l'écriture une seule et même idée : c'est ainsi qu'une labiale, une dentale et une roulante, placées dans l'ordre que nous indiquons, rappelleraient l'idée de paternité à tous les peuples, dans l'ordre littéral qui existe à peu près partout en grec, amp; en latin, pater; en allemand, valer; en italien, padre; en français, père, par soustraction de la dentale d; en anglais, father, etc.

Nous ne tardâmes pas à reconnaître qu'au milieu d'obstacles sans nombre, et malgré nos artifices conventionnels, nous rencontrerions des difficultés insurmontables; puisque l'ordre de nos consonnes se retrouverait dans les mots poudre, poutre, peinture, etc., non seulement en français, mais avec des variantes innombrables dans les autres Langues; nous changeâmes donc de base, et nous avons dû faire plusieurs fois semblable sacrifice, avant de nous arrêter à celle que nous exposons aujourd'hui. Cette fois, nous avons cru saisir la vérité parce que notre Langue, simple et méthodique, réalisait un progrès incontestable pour l'étude de tous les idiômes, et tendait à vulgariser, par des procédés nouveaux et sûrs, toutes les nomenclatures scientifiques.

Dans tout le cours de cet ouvrage, nous nous sommes appliqué à simplifier l'exposé de nos procédés la même matière pouvait comporter des développements qui auraient considérablement étendu notre livre; nous nous sommes persuadé que pour faire parvenir aisément à l'intelligence du lecteur des idées et des conventions entièrement nouvelles, il ne fallait pas les entourer d'un appareil qui en cacherait les principales dispositions. Notre édifice doit d'abord être étudié dans sa charpente, avant d'être minutieusement examiné dans ses détails intérieurs. Aussi, sommes-nous restés şobres de réflexions philologiques: celles que nous avons intro

duites tendent plutôt à expliquer les faits qu'à les justifier. Aussi, encore, nous nous sommes abstenu de produire un certain nombre d'exceptions ou de circonstances particulières, qui auraient pu surcharger notre cadre et nuire à son intelligence.

Nos préliminaires auraient pu nous entraîner fort loin; les questions graves que nous soulevons et que nous n'avons dû qu'effleurer, suffiraient, au point de vue philologique, pour fournir la matière de plusieurs volumes. Le lecteur, s'il ne s'en rapporte pas à nos réflexions, pourra prendre un autre point de départ que nous; mais nous croyons qu'il sera toujours contraint d'arriver aux mêmes conclusions.

L'introduction est l'exposé complet de notre système, d'une manière assez générale pour qu'il soit compris dans son ensemble et dans ses principales conséquences. C'est pour tous ceux qui n'aborderont notre œuvre que pour satisfaire leur curiosité, la partie la plus importante; elle ne sera pas moins utile à ceux qui prendront notre travail au sérieux, parce qu'en montrant le but où nous conduisons, elle inspire le courage et l'ardeur nécessaires pour l'atteindre.

L'analyse grammaticale est basée sur celle que nos grammairiens nous offrent depuis vingt ou trente ans ; or, comme ceux-ci, suivant la sentence d'Horace, ne seront jamais d'accord, nous n'attendons pas non plus qu'ils passent tous de notre côté. Toutefois, nous leur déclarons bien formellement que notre intention n'a nullement été d'adopter tel ou tel système d'analyse plus ou moins en vogue ; nous avons toujours, dans la solution de ce problême, cherché les points généraux qui touchent à la fois à toutes les analyses des Langues mortes et vivantes. Si nous avions pu nous abstenir de l'emploi des mots adoptés par les grammairiens, nous l'eussions fait volontiers c'eût été un moyen d'éviter quelques-unes des

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attaques dont nous serons l'objet. Nous ne nions pas que, dans certaines grammaires, les termes usités pour la théorie grammaticale ne soient plus rationnels que dans les autres; mais qu'on ne nous prenne pas pour partisan avoué de telle locution, parce que nous en avons adopté l'usage. Notre désir étant, avant tout, de nous faire comprendre; nous nous sommes emparé des mots qui, bons ou mauvais, propres ou impropres, avaient cours depuis longtemps et exprimaient une idée généralement comprise. Il en a été de même pour les parties du discours; nous avons rangé dans telle ou telle catégorie celles qui ont été jugées depuis longtemps leur appartenir, quoique des modernes aient donné des raisons plausibles pour les en détacher. Au reste, que nous ayons suivi l'usage ou que nous ayons nous-même introduit notre idée, notre réponse aux objections est simple: notre théorie embrasse dans son cadre toutes les formes anciennes ou nouvelles que le grammairien justifiera; nous recevrons donc avec reconnaissance toutes les modifications qui auront subi l'épreuve de la raison et de l'expérience.

Les tables de nos grammaticaux donnent un premier aperçu de la classification de nos radicaux ; leur disposition permet d'embrasser d'un coup d'œil toutes les divisions d'une même espèce de mots. Les cases non remplies que l'on y rencontre prouvent que les grammaticaux des langues forment un matériel peu considérable; elles sont ici comme autant de réserves dont l'avenir et les progrès de la linguistique pourront disposer. Les réflexions qui suivent ces tableaux traitent fréquemment des analogies qui existent entre certains radicaux et quelques parties de nos grammaticaux; ces analogies sont les procédés mécaniques que nous avons ménagés dans la formation de nos radicaux; elles sont de quatre sortes: 1o celle qui résulte du développement rationnel de l'idée exprimée par un

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