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les grands courants de la pensée de l'élite à un moment déterminé et d'en faciliter la tradition. C'est une technique qui permet d'appliquer les éléments dont on dispose à ce moment à la garantie de certaines acquisitions. Mais cette technique diffère de la technique orale ou rituelle en ce que son emploi est subordonné à l'existence d'une élite. Les cérémonies auxquelles donne lieu le rappel de ces institutions n'ont qu'une portée extrêmement réduite pour la masse. Celle-ci ne participe aucunement à l'interprétation des textes. C'est ce qui explique que dans les emprunts que se font les cultures qui viennent en contact, on ne doit pas s'attendre à trouver, en général, autre chose que des emprunts de forme, peut-être même de simples emprunts de mots. A peine les idées sont-elles transplantées qu'elles subissent de profondes déformations pour s'adapter aux nécessités du milieu.

L'histoire du cabinet américain en est un exemple. La circonstance que les institutions anglaises ou françaises de la fin du xvi siècle auraient été condensées dans des textes n'eût rien changé à cette histoire. Il faut, pour saisir la valeur d'une institution, vivre de la vie journalière de la nation, respirer l'atmosphère des parlements, des tribunaux, des clubs politiques. C'est là que flotte la tradition constamment interprétée, remaniée, ajustée aux circonstances et aux intérêts. Dans cet état, qui est sa forme vivante et véritable, la tradition ne peut être transplantée. Et si l'exemple modeste du cabinet américain ne peut convaincre ceux qui s'enthousiasment devant la diffusion des institutions parlementaires, parce qu'ils y voient l'annonce d'une généralisation pacifique et universelle des mêmes formes de gouvernement, qu'ils veuillent bien faire pour ces institutions une étude semblable à celle qui a été esquissée ci-dessus. Partout ils constateront que les peuples n'ont rien abandonné de leur personnalité nationale pour avoir revêtu leur activité propre de certaines formes apparemment communes à d'autres États.

D. WARNOTTE.

A propos de :

Effets juridiques et économiques de l'invention de l'imprimerie sur les activités littéraires.

Dr. MAX GARR, Die wirtschaftlichen Grundlagen des modernen Zeitungswesens (1).

L'étude consacrée par GARR à l'institution du journalisme contient des observations intéressantes au point de vue de certaines répercussions sociales de l'invention de l'imprimerie.

Avant cette invention, observe GARR, la propriété littéraire était inexistante. Le droit de reproduction était ignoré. Il ne pouvait en être autrement aussi longtemps que la multiplication des exemplaires d'une œuvre littéraire résultat d'une copie manuscrite. Ni le droit romain ni le droit germanique du moyen âge n'assurent à l'écrivain aucun privilège sur son œuvre (p. 6). La liberté était entière pour chacun à l'égard de toutes les œuvres littéraires. L'auteur qui avait terminé une œuvre la lisait dans un cercle d'amis ; il faisait aussi cadeau de copies ou les prêtait. Eventuellement, il «< éditat» son œuvre, c'est-à-dire qu'il faisait en sorte que par ses soins ou par ceux d'un libraire (« bibliopole ») des copies fussent mises en circulation. Chacun avait le droit d'opérer de la sorte sans qu'il fût nécessaire que les copies mises en circulation fussent la reproduction de son œuvre propre. Dans l'antiquité, comme le montre BoISSIER : « Donner un livre à ses amis ou le répandre dans le public ne différait que par la quantité des copies qu'on en faisait faire. La limite était indécise et il était bien difficile de dire à quel moment précis commençait vraiment la publication. Comme il y avait des degrés qui conduisaient insensiblement de cette publicité d'un ouvrage que l'on faisait lire à plusieurs personnes à sa publi

(1) Vienne et Leipzig, FRANZ DEUTICKE, 1912, 79 pages, 3 marks.

cation véritable, le passage de l'une à l'autre pouvait se faire presque sans qu'on s'en aperçût » (BOISSIER, Recherches sur la manière dont furent recueillies et publiées les lettres de Cicéron, Paris, 1863, cité par l'auteur). On ne pouvait évidemment distinguer le fait de la distribution de copies par les soins de l'auteur même de la reproduction de la même œuvre par une personne désireuse de la faire apprécier de ses amis. Le procédé même de reproduction avait pour conséquence que chacun pouvait aussi facilement obtenir une copie d'une œuvre convoitée en en chargeant un copiste à sa solde qu'en s'adressant à l'auteur ou à son « bibliopole ». La dépense nécessaire était la même dans les deux cas, puisqu'elle consistait dans le gage à payer au copiste chargé de ce travail.

La situation fut la même au moyen âge. Au lieu des esclaves employés par les « bibliopoles » pour la copie, c'étaient des calligraphes ou des moines qui étaient chargés de la reproduction exemplaire par exemplaire.

Or, les procédés d'impression devaient modifier radicalement les conditions de libre reproduction des œuvres littéraires en assurant une distinction évidente entre la reproduction dans un but mercantile et la simple copie par les soins d'un amateur. Grâce à l'impression, la multiplication des copics d'une même œuvre est devenue infiniment moins coûteuse que la copie exemplaire par exemplaire. Dès lors, la copie manuscrite se limite à l'intérêt d'un lecteur isolé. Pour la vraie circulation d'un ouvrage, le procédé de l'impression est le seul possible, et comme les copies imprimées se distinguaient nettement des autres, il fut établi que toute copie imprimée serait réputée pour la distribution de l'œuvre dans le public dans un but commercial.

Ce n'est pas la seule raison qui explique l'influence de l'imprimerie sur la naissance de la propriété littéraire. Lorsque l'emploi exclusif des procédés manuscrits pour la reproduction des œuvres littéraires empêchait toute distinction entre les exemplaires copiés par les soins d'un « bibliopole » et ceux copiés sans souci mercantile, il ne pouvait être question pour l'auteur d'exiger le paiement d'un droit d'auteur (pp. 7 et 8). L'éditeur n'était pas en état de faire payer par

l'acheteur d'une copie plus que la valeur du travail du copiste. S'il avait exigé davantage, il aurait déterminé l'amateur d'un ouvrage à s'adresser directement à un copiste pour obtenir la copie désirée. Dès lors, il n'y avait pas de possibilité pour l'éditeur de prélever sur le prix de vente la somme nécessaire à une rémunération de l'auteur. Le droit d'auteur était done par le fait inexistant.

Dès que l'imprimerie offre son concours à l'auteur pour la reproduction indéfinie de son œuvre, elle lui assure le moyen de se faire rémunérer, car elle lui permet de vendre les exemplaires au-dessus du prix coûtant. L'œuvre littéraire acquiert ainsi une valeur marchande. L'auteur peut, s'il charge un éditeur de la vente de son livre, subordonner l'octroi de ce privilège au paiement d'une somme à convenir. La propriété littéraire est désormais doublement consacrée.

Non seulement l'oeuvre littéraire acquérait ainsi une valeur économique, mais sa publication même devait prendre rapidement le caractère d'une entreprise lucrative. L'impression d'un livre exige en effet des moyens et des ressources dont les auteurs ne disposaient pas, tandis qu'ils pouvaient auparavant se charger directement de faire copier leurs œuvres par des copistes, esclaves ou salariés. Ils sont désormais forcés de recourir à des intermédiaires sans l'aide desquels leur œuvre ne pourrait atteindre le public auquel elle est destinée (p. 9). La vie littéraire se commercialise, suivant l'expression de SOMBART.

Cette transformation a été d'autant plus marquée que, comme GARR le montre, l'exploitation de l'imprimerie témoigna immédiatement de dispositions toutes particulières aux manifestations du capitalisme. La bourgeoisie riche tira parti de l'imprimerie pour s'assurer des placements rémunérateurs (pp. 10 et ss.). L'imprimerie avait, d'autre part, grand besoin de capitaux. L'installation de la première imprimerie de Gutenberg coûta la somme énorme, pour l'époque, de 1.100 florins. Gutenberg l'obtint par une association avec un riche bourgeois de Mayence. Les sommes nécessaires devinrent bientôt telles qu'il fallut réunir le concours de plusieurs personnes pour la constitution de sociétés. Les premières entreprises de cette

espèce furent créées à la fin du xve siècle et les auteurs durent bien s'entendre avec elles. De désintéressée qu'elle était dans l'antiquité et au moyen âge, la production littéraire devint lucrative. L'écrivain vit désormais en tout ou en partie du produit de la vente de son œuvre; autrefois, il vivait des subventions de quelque mécène généreux qu'il payait par la dédicace de ses œuvres.

G DE LEENER.

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