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(TEMPEST.)

Cette pièce paraît avoir été composée en 1611 ou en 1612, et par conséquent c'est un des derniers ouvrages de Shakspeare. Les littérateurs lui accordent une haute estime, à cause de l'originalité du sujet, de la variété des caractères, et de la magie du style. L'intérêt dramatique y est d'ailleurs très faible; les situations sont vagues et sans effet. On n'y trouve que rarement ces traits sublimes qui font pardonner tant de défauts à Shakspeare. Néanmoins la lecture de cette féerie est amusante, d'abord parce que c'est une féerie; et ensuite, parce que, malgré la nullité de l'action, il y a beaucoup de mouvement sur le théâtre et parmi les personnages.

Prospero, duc de Milan, s'étant adonné à l'étude des sciences occultes, laissait le gouvernement de son état au prince Antonio son frère, qui a profité de cette négligence pour se faire des créatures; il s'assure l'appui du roi de Naples, Alonzo, dès longtemps ennemi de Prospero, et quand toutes ses mesures sont prises, il se saisit de son frère ; et n'osant l'assassiner, de peur d'exciter trop d'indignation, il l'embarque avec sa fille Miranda sur un frêle esquif pour être le jouet de la mer et des vents.

Prospero aborde dans une île déserte. Possédant encore quelques livres que la générosité de Gonzalo,

ESSAIS LITTÉRAIRES SUR SIIAKSPEARE.

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un vieux conseiller du roi de Naples, lui a permis d'emporter avec lui, il exerce un pouvoir magique sur les esprits, et leur commande en maître.

L'ile, qui est devenue son royaume, était habitée avant lui par une mauvaise fée, Sycorax, qui tenait enfermé dans le creux d'un pin le jeune Sylphe Ariel, pour le punir de n'avoir pas voulu exécuter ses ordres odieux. Cette fée, avant que de mourir, avait mis au monde un fils, ou plutôt une masse inerte et informe, Caliban, qui, resté seul dans l'île, s'en était trouvé le roi. Mais cette royauté s'était évanouie à l'arrivée de Prospero, qui, ayant tenté de vains efforts pour apprivoiser le monstre sauvage qu'il détrônait, n'a pu en faire qu'un mauvais esclave. Plus heureux en délivrant Ariel, l'enchanteur a trouvé en lui l'agile instrument de ses volontés, et il s'est engagé à le laisser, après l'entière exécution de ses projets, reprendre un libre essor dans les airs.

Douze ans se sont écoulés depuis que Prospero habite son île. Sa fille Miranda est devenue, par ses soins et par les dons de la nature, un objet d'amour et d'admiration. Mais elle n'a jamais vu d'homme que son père et le monstrueux Caliban, qui, malgré la pesanteur terrestre de ses idées et de ses sensations, n'a pas été aveugle sur les perfections de la jeune, vierge, et a voulu brutalement profaner ses appas, tentative qui a forcé Prospero d'appesantir le joug sur ce grossier esclave.

T. II.

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ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

Le théâtre représente un vaisseau à la mer, assailli par une tempête furieuse: ce vaisseau porte Alonzo, Sébastien son frère, Ferdinand son fils; Antonio, l'usurpateur du duché de Milan; le vieux Gonzalo; Adrian, Francisco, seigneurs napolitains; leur suite, et l'équipage.

Cette première scène est consacrée à peindre l'agitation, et le désordre qui règne dans un bâtiment menacé d'un naufrage.

Le maître et le contre-maître donnent des ordres. Le dernier renvoie en jurant les augustes passagers qui viennent embarrasser sa manœuvre.

LE CONTRE-MAÎTRE.

«(1) Restez dans vos cabanes : vous aidez la tempête qui va nous détruire.

GONZALO.

Allons, mon ami, de la patience.

(1) Keep your cabins: you do assist the storm.

Nay, good, be patient.

GONZALO.

LE CONTRE-MAÎTRE.

Quand la mer en aura. Hors d'ici! Ces vagues rugissantes se soucient bien du nom du roi ! A vos cabanes. Silence. Ne nous troublez pas.

GONZALO.

A la bonne heure. Mais rappelle-toi qui tu portes sur ton bord......

LE CONTRE-MAÎTRE.

Personne que j'aime plus que moi-même. Vous êtes un conseiller. Si vous pouvez commander à ces éléments de se taire, et remettre ici la paix sur l'heure, nous ne touchons plus un cordage : employez votre autorité. Si vous ne le pouvez, rendez grâce d'avoir vécu si longtemps, et allez dans vos cabanes vous préparer au désastre prochain, si c'est là notre sort..... Alerte, braves camarades......... Hors de notre chemin, vous dis-je ! »

Cette vigoureuse sortie fait faire une singulière réflexion au bon Gonzalo.

BOATSWAIN.

When the sea is. Hence! What care these roarers for the name of king? To cabin silence : trouble us not.

:

GONZALO.

Good; yet remember whom thou hast aboard.....

BOATSWAIN.

None that I more love than myself. You are a counsellor; If you can command these elements to silence, and work the peace of the present, we will not hand a rope more; use your authority. If you cannot, give thanks you have lived so long, and make yourself ready in your cabin for the mischance of the hour, if it so hap. Cheerly, good hearts. Out of our way, I say.

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me rassure excessivement. Je ne lui trouve pas la mine d'un homme destiné à se noyer. Sa vocation n'est que pure potence. Destin secourable, tiens bon pour qu'il soit pendu. Que la corde réservée à finir sa vie serve à notre vaisseau de câble pour le sauver. Si cet homme-là n'est pas né pour être pendu, nous sommes bien à plaindre » (A).

Pendant que le contre-maître continue à donner des ordres et à pester contre les importuns qui entravent sa manœuvre, Sébastien et Antonio viennent l'accabler d'injures, auxquelles le bon Gonzalo mêle d'assez grossières bouffonneries. Le contre-maître leur fait face à tous en même temps qu'à l'orage. Mais enfin des cris s'élèvent de toutes parts. Le vaisseau s'abyme, et la scène finit par cette pantalonnade de Gonzalo :

(3) A l'heure qu'il est, je donnerais bien un millier d'arpents de mer pour un acre de terre sèche; joncs, bruyère, n'importe (B), les volontés d'en-haut soient faites. Mais j'aurais mieux aimé mourir à sec. >>

:

(2) I have great comfort from this fellow methinks he hath no drowing mark upon him; his complexion is perfect gallows. Stand fast, good fate, to his hanging! Make the rope of his destiny our cable, for our own doth little advantage! If he be not born to be hanged, our case is miserable.

(3) Now would I give a thousand furlongs of sea for an acre of barren ground; long heath, brown furze, any thing: the wills above be done! but I would fain die a dry death.

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