Зображення сторінки
PDF
ePub

ils retentissent, on trouvera des passages d'un goût inexprimable, et l'on s'étonnera, comme si une fée délicate vous apparaissait dans la caverne enfumée du cyclope. Alors on s'expliquera peut-être l'énigme que présente un écrivain si célèbre et si inconnu, si volumineux et si peu lu; génie tout germanique, et recouvert, pour les autres nations, d'un triple voile; le seul écrivan original qui, à force de l'être, n'ait trouvé ni imitateur dans sa propre langue, ni traducteur chez les autres peuples,

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Il y a, dans la longue liste de ses romans, un ouvrage plus naïvement bourgeois que tous les autres, et, de tous, le moins difficile à comprendre : c'est Siebenkæse.

Un jeune Allemand pauvre a épousé une jeune fille belle, aimable, innocente, véritable Allemande de la classe bourgeoise, ménagère habile, patiente, modeste; sa tête est vide; son ignorance complète, et sa sensibilité presque animale. L'auteur fait contraster avec une admirable vérité les vues étroites de Lenette (c'est le nom de la femme), et le génie, l'érudition, l'enthousiasme dont il dote le mari. Il nous montre ce tourment de toutes les minutes qui s'empare de vous quand nulle sympathie d'intelligence ne vous attache à celle que votre cœur aime. Il prouve combien est fatale au bonheur cette dissonance établie par l'éducation entre la destinée de l'homme et celle de la femme. Il peint avec une minutie et une vérité dignes de Teniers la femme vulgaire alliée au poète exalté, l'incurable niaiserie d'un esprit obtus venant interrompre les rêveries du penseur-artiste ; enfin (supplice éternel!) la machinale économie d'un ménage sans élégance et sans grâce. En France, ce ne seraient point de telles leçons qu'il faudrait à nos mœurs; en Allemagne, où l'on ne demande guère aux femmes que les qualités d'une domestique fidèle, l'Élégie

Satire de Richter était d'une profonde moralité et

d'un intérêt puissant.

"

[ocr errors]

y

avait dans l'âme de sa femme, dit JeanPaul, un triste vide ; une tache comme une cicatrice sur un beau visage : et il ne cessait d'y songer; il se perdait dans cette contemplation. Jamais il n'avait pu exalter cette pensée traînante, l'arracher à la terre, l'échauffer d'enthousiasme. Vous eussiez vu Lenette compter les heures que sonnait l'horloge, dans l'intervalle de ses baisers, interrompre un récit plein d'intérêt pour aller écumer le pot, et y courir les yeux pleins de grosses larmes sollicitées par cette narration pathétique. Pauvre homme! il l'entendait, dans la chambre voisine, marmoter de vieux psaumes d'une voix aiguë, et, au milieu du vers, s'arrêter pour dire:

. Comment dînerez-vous aujourd'hui ?»

"

>>

Voici un fait dont il n'a pu chasser le pénible souvenir. Certain jour qu'il était plus éloquent et plus poétique qu'à l'ordinaire, Lenette, les yeux fixés sur la terre, l'écoutait : elle lui dit :

Demain matin, avant de sortir, vous atten

» drez, s'il vous plaît, que j'aie raccommodé vos » bas, qui sont troués. »

» L'auteur de cette histoire atteste que plus d'une fois des interruptions semblables l'ont réduit à un état de véritable désespoir. Quoi! au milieu de nuages sublimes, dans le sanctuaire de la métaphysique la plus élevée, on viendra vous jeter vos bas à la tête! Je ne demanderais pas qu'une femme me suivît dans mon char magique et lointain, mais que du moins la terre fleurie et le ciel étoilé ne fussent pas muets pour elle; qu'elle vît dans l'univers autre chose que la cuisine, la chambre des enfans, et la salle de bal; que son cœur pieux et tendre, sa sensibilité vive et éclairée, améliorassent l'homme auquel sa destinée serait unie. Voilà ce que l'auteur de cette histoire désire; et rien de plus. »

Simple et admirable roman, dont voici quelques pages. Firmian désespéré s'abandonne à une mélancolie ironique. Cette ironie éclate surtout dans une scène de cimetière, aussi éloquente qu'étrange.

« Ils sortirent. Le ciel était sans nuage. Au-des

sus des étroites ruelles de la petite ville, on voyait s'arrondir et s'étendre l'éther bleu de la cité divine, illuminée par tous les soleils semés dans le nocturne amphithéâtre ; routes lumineuses, mosaïque d'étoiles, caractères mystérieux qui traçaient le nom du Très-Haut sur la voûte du grand temple. Oui, toutes les fêtes devraient se terminer par une visite aux champs nocturnes, couronnés par ce sanctuaire. C'est là qu'après les plaisirs terrestres il faudrait aller rafraîchir son âme en présence de Dieu, y puiser le calme, et boire avec délices le vent de la nuit.

D

Ils errèrent à travers la campagne; la brise d'automne, ce souffle qui ressemble au vent léger du printemps, les animait et leur donnait une vigueur nouvelle. Toute la nature promettait un hiver tempéré, un de ces légers hivers, bénis du pauvre, qui peut alors, sans frissonner de froid, passer toute la saison des neiges; maudits par les riches, que la clémence de la nature prive de leurs parties de traîneaux et de leurs sorbets pour l'été.

» Les deux hommes commencèrent de graves discours, inspirés par l'aspect sublime de la nuit.

Lenette se taisait et pensait qu'il faisait froid.

« НазадПродовжити »