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I.

Scènes d'un Village maritime

En Angleterre.

Approches de la côte. Les Nomades. - Aspect de la mer et

du rivage. famille.

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Débris d'une race d'autrefois. - Ézéchiel et sa

Les habitans. Points de vue de la côte. - Les

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C'est un curieux spectacle et un séjour singulier qu'une bourgade maritime en Angleterre ;

non pas une de ces cités qu'enrichit l'Océan, et qui au fracas de l'industrie active joignent les recherches dont la civilisation s'entoure dans son luxe, dans son repos; mais un de ces groupes de chaumières semées sur la côte, habitées par des pêcheurs, et qui se composent d'une vingtaine de huttes et d'une église.

Là, tout sent le goudron, la poix fumante et l'eau de mer. Il faut voir ces pauvres cabanes basses, noires, quelques unes sans fenêtres; celles ci à demi enfoncées dans la vase ; d'autres pendantes sur la crête d'un roc; d'autres alignées sur le sable de la plage, à l'endroit précis où s'arrête la marée montante. Leur seule décoration et leur tenture uniforme, ce sont des filets, de vieux paniers, des hameçons, des cordages et des lignes. On voit errer de toutes parts la jaquette bleue et le mouchoir rouge de l'homme de mer; et quand on a vécu huit jours avec cette race sauvage et forte, on sent qu'on a reculé de cinq à six cents ans dans l'histoire de l'Europe. Cette peuplade illettrée, hárdie, rusée et rapace, n'est-ce pas une colonie de Normands du douzième siècle ?

Il importe peu de dire ici quel motif de santé

m'amena très jeune dans un de ces hameaux, situé sur l'un des points du rivage les plus éloignés de la capitale. C'était pendant un de ces courts intervalles de paix que Napoléon laissait à l'Angleterre, et dont elle ne profitait prudemment que pour tendre des piéges au lion, et ramasser toutes ses forces. Une lettre de recommandation m'avait été remise, à mon départ de Londres, par M. Josiah D...., pour M. Ézéchiel F...., négociant, qui demeurait à un quart de mille de la mer, à environ deux portées de fusil des dernières huttes qui composaient le bourg de Dept...d. Je ne connaissais M. Josiah D........ que comme un homme grave, médecin de profession, austère dans ses mœurs, attaché à ses devoirs et profondément religieux. Il m'avait conseillé quelques mois de séjour à D...d, comme recette. économique pour recueillir le bénéfice des bains de mer, sans subir les énormes dépenses auxquelles sont condamnés ceux que la médecine envoie à Brighton ou à Douvres, pour affermir leur santé et alléger leur bourse. En même temps, il avait eu soin de me prévenir que la famille qui sans doute m'accueillerait sur sa recommanda

tion se faisait remarquer par la régularité de ses habitudes, la gravité de son langage, et sa haine pour toutes les frivolités du monde; qu'ainsi je devais m'attendre à vivre de régime sous tous les rapports, à ne trouver là aucune des jouissances faciles, aucun des plaisirs même de l'intelligence, nulle de ces superfluités nécessaires dont le séjour des villes nous fait un besoin. Je dus prendre mon parti, et ma curiosité, avide de scènes inconnues, rendit ma résignation moins méritoire.

Le chemin que nous parcourûmes en approchant de D...d s'accordait parfaitement avec la vie monotone qui m'était annoncée. Une levée étroite dominait à droite et à gauche des prairies marécageuses, dont l'aspect lugubre et désolé était surtout bizarre vers les bords de l'Océan. Là le gazon était pâle et blafard; un sédiment jaunâtre surchargeait tous les herbages; les joncs flétris se dressaient taillés et aigus comme des épées à deux tranchans; des fossés revêtus d'une lave noirâtre et tachetée de jaune, entrecoupaient cet espace couvert d'un foin épais, brunâtre et gras: toute la végétation semblait mé

tamorphosée par l'influence des exhalaisons salines et d'un sol trempé d'eau de mer. Le bruit lointain des vagues augmentait, d'intensité, à mesure que nous avancions sur la gauche; auprès d'une digue rompue et encombrée de limon, une tente était dressée sur deux perches, que protégeaient à demi des lambeaux de toutes couleurs. Un feu de tourbe brûlait à côté de la tente, occupée par six à sept personnages hâves et singulièrement drapés. C'était, mes compagnons de route me l'apprirent, une de ces tribus bohémiennes que les actes du parlement n'avaient pas encore exilées. Le père, chargé d'un fagot de bois, rentrait dans la tente: une femme à demi nue, les yeux rouges et sortant de la tête, nourrissait un enfant noir et maigre comme elle. A quelque distance, le patriarche, l'aïeul de la race nomade, la tête chauve et branlante, tout frissonnant de froid sous la brise marine, laissait retomber son menton sur sa poitrine nue et blanche. Deux petites filles, aux traits réguliers, au front bronzé, au regard perçant et hardi, et je ne sais quel sourire du vice déjà fixé sur les lèvres, vinrent nous demander l'aumône, qui leur

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