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ressemblent assez à ceux que le loup reproche à l'agneau dans l'une des immortelles fables de la Fontaine.

Le jacobin.-Oh! je ne disputerai point avec toi à cet égard que m'importe la cause! je ne vois que l'effet; nous avons la guerre contre deux rois; je m'en réjouis fort et me moque du reste.

F. F.-Tu t'en réjouis; tu ne crains donc pas que ce soit l'annonce de la guerre générale.

Le jacobin.

Demande plutôt, si je l'espère, et je te répondrai sans hésiter; oui. F. F. Comment tu peux souhaiter... Le jacobin.-Oui oui, te dis-je; l'épée est enfin tirée du fourreau; il faut qu elle n'y rentre, qu'alors qu'il n'y aura plus de rois en Europe.

F. F. - D'après cette opinion, tu as dû regretter que le discours de l'un de nos collègues ait été interrompu dans la séance du six courant; car il articulait à-peu-près les mêmes idées que tu mets ici en avant.

Le jacobin. -Sans doute, et toi-même si tu es vraiment impartial et juste, as-tu donc trouvé bon qu'on ait ainsi fermé la bouche à un représentant du peuple? n'avons-nous plus le droit de pouvoir émettre librement nos pensées à la tribune?

F. F.-Je pourrais bien t'observer que tu as agi souvent en sens inverse de cette doctrine au reste je suis ici de ton avis, et tu vas savoir ce que je pense à cet égard; je désapprouve formellement la motion; mais,

comme je tiens par-dessus tout à l'indépendance absolue des opinions, j'aurais désiré qu'on eût entendu le discours entier de notre collègue ainsi que la réfutation qui l'aurait suivi, et qu'ensuite le Conseil eût adopté solennellement l'ordre du jour ou la question préalable.

Le jacobin. Ainsi ce sera désormais l'éloge des rois qu'il faudra faire dans notre enceinte pour être accueilli avec faveur !

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F. F.. - Ai-je dit un mot de cela? Je souhaitai même avant la révolution qu'on cessât de flagorner les rois, et certes, tu n'iras pas supposer que je m'avise de choisir le moment actuel pour changer de manière de voir à cet égard; mais je ne voudrais pas que, par des injures gratuites ou déplacées, on aliénât celles des têtes couronnées avec qui nous sommes en paix ou en état d'alliance; je voudrais enfin que nous ne prissions les armes que pour défendre nos frontières et nos droits, et jamais pour entreprendre indiscrétement de renverser les diverses sortes de gouvernemens qui régissent les autres peuples.

Le jacobin.-Je sais fort bien que les hommes qui se disent modérés raisonnent ainsi dans leur prétendue sagesse; mais je sais mieux encore que la liberté raisonne différemment; ses principes sont absolument inconciliables avec l'existence de la royauté en deux mots, il faut que la liberté elle-même périsse, ou que le royalisme disparaisse entièrement de la face de l'Europe.

F. F.-Pourquoi, dans tes vastes projets, ne pas le faire disparaître du reste du monde ! pourquoi souffrir des despotes en Perse, dans l'Inde, dans l'Afrique, etc..! Le jacobin.-La plaisanterie n'est pas ici de saison.

F. F. Si tu ne veux pas que je rie de pitié en écoutant de pareils propos, il faut que je pleure d'indiguation.

O vous, que je ne sais si je dois appeler insensés ou féroces, vous voulez donc reproduire en politique le système religieux de la cour de Rome qui disait, hors de l'église, point de salut ! Les papes damnaient sans miséricorde tous ceux qui ne pensaient pas comme eux, et, dans ces derniers temps, feurs bulles ne faisaient pas grand mal; vous, aveuglés aussi par un farouche esprit d'intolérance, vous comdamnez de même ceux qui ne pensent pas comme vous; mais le canon est chargé de propager vos maximes, et c'est en tuant vos semblables, que vous prétendez leur apprendre à devenir libres; on voit bien que vous voulez réaliser à tout prix votre maxime favorite, la liberté ou la

mort.

Le jacobin. -Et toi, la réprouves-tu? n'aimerais-tu donc pas mieux avoir cessé d'être que de vivre esclave?

F. F.-crois-tu donc que je suis libre aujourd'hui ? crois-tu l'être toi-même ? au reste, parlons comme si nous l'étions.

Sans doute il n'est plus possible aux Français de reculer; les motifs les plus sains et

les

Des concerts pour une déclaration de guerre! barbares! comment avez vous pu, en face de vos concitoyens désespérés, vous réjouir ainsi d'un acte qui va coûter la vie à plusieurs milliers de vos semblables, et qui jette le deuil dans tous les cours! où avezvous donc vu, si ce n'est parmi des peuplades d'antropophages, qu'on ait jamais fèté le carnage, la destruction! La guerre, n'est-ce pas la mort? c'est donc la mort que vous avez fêtée.

Vous dominiez de même en l'an deux; c'était aussi une saison de mort : ah! il n'appartenait qu'à vous d'ordonner des réjouissances publiques pour célébrer une guerre, dont les suites probables tendent à engloutir une génération entière de l'Europe.-Adieu.

DIALOGUE DU SOIR,

Avec un Royaliste forcené.

Le royaliste. Enfin je respire; nous

avons donc la

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guerre.

F. F. Comment, ce matin encore, je me querellais avec un de mes collègues qui se réjouissait de la guerre, et voilà que vous vous en réjouissez aussi, vous, dont les opinions politiques sont si opposées à celles que j'ai déjà combattues.

Le royaliste. Ne vous ai-je pas entendu dire à vous-même, que les choses vont fort mal maintenant?

F. F. C'est possible ; j'ai pu le dire, car je le

pense.

Le royaliste.

Eh bien ! rappelez-vous le proverbe aux grands maux les grands remèdes, et tirez la conséquence.

F. F. Je connais le proverbe, qui peut être vrai en certains cas; mais il ne faut pas néanmoins que le remède soit pire que le mal.

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Le royaliste. Craindriez-vous donc cette fois que les puissances étrangères, de nouveau coalisées, n'aient pas le dessus?

F. F. Eh quoi ! me supposeriez-vous assez lâche pour faire des voeux en leur faveur ?

Le royaliste. N'est-ce pas vous que j'ai entendu de mes propres oreilles fulminer hautement et avec énergie contre les abus actuels, contre le despotisme et la pitoyable administration du Directoire, contre les vexations qui se renouvellent chaque jour, contre les proscriptions modernes, contre les incarcérations arbitraires?

F. F.-C'est possible encore; je pense tout cela, et je déclare même de nouveau, que je ne reconnais aucunement la liberté aux vêtemens ignobles dont on l'habille aujourd'hui ; mais, pour être cachée, elle n'existe pas moins, et, à cet égard, je me rappelle souvent le présage que l'illustre habitant de Coppet émettait en 1791; les orages de la liberté passeront, et nous la garderons avec ses bienfaits (1).

Le royaliste.

La belle autorité vrai

(1) Sur son administration, page 473.

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