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tablir la confiance, ranimer le commerce et l'industrie; mais, en vérité, serait-ce par de pareilles mesures que nous parviendrions jamais à atteindre ce but tant souhaité? serait-ce, en ne nous présentant aux étrangers que la menace à la bouche, en les persécutant pour des minuties, en les plongeant dans les cachots, que nous pourrions concevoir l'espérance d'attirer et leurs capitaux et leurs personnes dans nos climats ?»

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Gardons-nous bien d'employer à leur égard des tracasseries impolitiques qui les dégoûteraient à jamais de venir habiter la France; laissons à l'activité de la police le soin de surveiller ceux-là d'entre eux qui pourraient avoir des intentions malfaisantes, et qui d'ailleurs ne seraient aucunement réprimés par la disposition que je combats; donnons-leur à tous une preuve honorable d'égards hospitaliers, en les autorisant pendant leur séjour dans nos contrées, à porter la cocarde nationale. »

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Quant à l'article 5 qui étend, sous les mêmes peines, l'interdiction de la cocarde à tous ceux des Français qui ont perdu le titre de citoyen, c'est-à-dire, aux ex-nobles et parens d'émigrés, ainsi qu'à ceux dont les droits politiques sont suspendus dans les cas prévus par les articles 12 et 13 de l'acte constitutionnel, je ne répéterai point les argumens victorieux dont on s'est déjà servi avec tant d'avantage pour combattre cet article. »

« On vous a dit avec raison, que cette

disposition offrirait un point de ralliement aux hommes mal intentionnés; qu'elle établirait une classe nombreuse d'Ilotes, voués sans cesse à une sorte de proscription et de honte légale, et que, dans les campagnes, où l'exemple est beaucoup plus puissant que l'instruction, elle pourrait être fort nuisible à l'habitude, déjà contractée, de porter la cocarde. >>

Il me serait facile de donner de longs développemens à ces motifs, et d'y ajouter des motifs nouveaux, fondés sur le peu de proportion qu'il y a entre un délit de cette nature et la condamnation aux fers par laquelle on veut le punir; mais un simple raisonnement doit suffire pour convaincre tous les esprits, et le voici :»

<< Les législateurs ne peuvent ni ne doivent interdire le signe militaire de l'Etat à aucun de ceux qui, d'après la loi constitutionnelle, sont essentiellement militaires dans l'Etat. »

Sil n'est pas de Français qui soient dispensés, en cas de besoin, de voler au secours de la Patrie, comment voudrait-on, imprimant sur plusieurs une évidente flétrissure, leur refuser la marque caractéristique des guerriers? Ne peuvent-ils pas, à chaque instant, être requis pour le service militaire? ne sont-ils pas. habituellement obligés par nos lois, même dans les cités les plus paisibles, de monter la garde, de se trouver en faction, de faire l'exercice ? » « On ne prétendra pas sans doute qu'ils

doivent être sous les armes sans cocarde ; il faudrait donc qu'ils la quittassent sans cesse et la reprissent tour-à-tour!.... Je ne crois pas qu'il faille étendre plus loin ce genre de preuves, pour démontrer, je puis dire palpablement, toute l'inconvenance d'une pareille disposition. »

<< Maintenant, en supposant même que cette disposition fùt vraiment commandée par l'intérêt général, et qu'elle fût aussi conforme à la nature de notre organisation politique, qu'elle y est directement contraire, je demanderais de quel moyen on prétendrait se servir pour la mettre à exécution. » «De deux choses l'une; il faudrait indispensablement, ou qu'on établit une compagnie particulière de délateurs, ou que tous les citoyens fussent autorisés à aller dénoncer tant ceux qui porteraient la cocarde, sans en avoir le droit, que ceux qui n'useraient pas du droit de s'en servir. »>

Je prie le Conseil de saisir attentivement cette remarque importante, et de bien se pénétrer de l'idée qu'une loi, assez peu réfléchie pour défendre aux étrangers,ainsi qu'à une foule de Français, de porter la cocarde nationale, ferait naître aussitôt, à beaucoup d'hommes étourdis ou mal intentionnés, la fantaisie de se dispenser aussi de la porter. »

« Arrêtons-nous ici un moment pour méditer sur le large champ de vexations, d'animosités et de haines qui s'ouvrirait entre les Français. »

<< Eh quoi! tous les citoyens ne pourraient plus se trouver dans les rues, dans les promenades, dans les places publiques, sans que des hommes turbulens fussent autorisés à les regarder en face, et à venir, souvent très-mal à propos, dire à celui-ci, vous, vous avez la cocarde et vous ne devriez pas la porter, et à celui-là, vous, vous n'avez pas la cocarde et vous devriez la porter! suivez-moi à l'instant; je vais vous traduire en justice. >>

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Citoyens, vous connaissez cette respectable véhémence du caractère national, ce sentiment précieux de délicatesse et de fierté, qui détermina toujours les Français à ne pas endurer impunément ce qu'ils regardent comme un affront; vous devez donc entrevoir les rixes sanglantes auxquelles une pareille loi donnerait nécessairement lieu ; il suffit sans doute de vous en avoir présenté la perspective, et vous vous empresserez d'arrêter de nouveau que tous les Français, étant appelés indistinctement à prendre les armes pour la patrie, doivent, sans aucune distinction, continuer à porter la cocarde nationale. >>

« Je passe maintenant à ce qui concerne les femmes, et je déclare qu'à cet égard je partage absolument l'avis du rapporteur; mais, comme sa manière de voir a été attaquée à cette tribune, et que d'ailleurs il semble, en quelque sorte, avoir craint de la motiver, je vais la fortifier des raisons puissantes qui viennent à son appui. »

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« Je pourrais me reporter aux jours désastreux où fut rendue la loi qui imposa aux femmes l'obligation de porter la cocarde, sous peine pour la première fois de huit jours de prison, et, en cas de récidive, d'étre réputées suspectes; mais je n'emploirai point un pareil moyen. »

« En fait de lois comme en fait d'opinions, je n'ai jamais égard aux temps ni aux hommes, mais au degré intrinsèque de mérite qui est attaché à la chose, même dont il sagit: la loi que je viens de rappeler estelle en soi bonne ou mauvaise ? C'est uniquement ce qui doit faire l'objet de l'examen du Conseil ; quant à moi, je la soutiens mauvaise, et voilà maintenant ce qui me reste à prouver. »

« J'aurais tout dit à ce sujet, en me contentant de soutenir que la cocarde est un signe militaire, et qu'ainsi il ne peut jamais appartenir aux femmes de le porter; mais, désirant approfondir cette matière, qui est encore entièrement neuve, pour ainsi dire, et qui néanmoins a plus d'analogie qu'on ne pense avec les grands intérêts qui nous sont confiés, je crois devoir examiner la question sous le double point de vue de la morale et des habitudes privées du sexe qu'elle con

cerne. »>

Je commencerai par l'examen de cette dernière considération, qui peut paraître minutieuse au premier aspect, et qui néanmoins est de la plus haute importance: malheur aux législateurs assez mal-avisés pour

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