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l'histoire, et ce désappointement qu'on éprouve en lisant des récits de voyages. Annalistes et voyageurs n'ont guère qu'une seule teinte pour chaque peuple, tandis que la vie, le charme, l'âme de ce monde, consistent dans l'infinie variété des teintes, dans l'immense diversité de leurs combinaisons.

Ouvrez les historiens anglais; ne diriez-vous pas que la Grande-Bretagne, du temps de Robin Hood, la joyeuse Angleterre (1) ne fasse qu'un avec la république de Cromwell,

Ne

Lorsqu'à poings fermés, sur la chaire,
Les prêtres battaient le tambour (1).

croyez-vous pas que cette dernière se confond avec l'Angleterre industrielle et conquérante du dix-neuvième siècle? Les voyageurs ne nous offrent-ils pas toujours les capitales comme types et modèles des populations les plus contraires? Au milieu de cette homogénéité de surface, et de cette similitude factice, cherchez la vérité. Oui, tout varie, les nuances sont tout, dans la

(1) Merry England.

(2) Hudibras.

vie des peuples, dans la vie de l'homme, dans la vie du monde. On les néglige; c'est là le grand mensonge des voyages, des romans, de l'histoire.

II.

Etudes sur Jean-Paul (1).

Man, thou pendulum betwixt a smile and a tear.

Homme !... goutte d'eau suspendue entre une larme et un sourire!

*

SI.

Le Ménage de Jean-Paul.

BYRON.

Voici une grande salle enfumée; vous la prendriez pour une halle que les marchands ont aban

(1) Jean-Paul-Frédéric Ricther, écrivain allemand, surnommé l'Unique, Der Einzige.

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donnée. Au centre est un vaste poêle, avec deux niches propres à s'asseoir en hiver, pour y fumer, y sommeiller ou y rêver. Tout vous rappelle les intérieurs de Stein. Les solives noires sillonnent le plafond jaune. Des pigeons domestiques voltigent çà et là, en murmurant leur roucoulement mélancolique. Une vieille femme, armée de ses lunettes, tricote des bas auprès du poêle : une jeune femme fait la cuisine près de la grande fenêtre à gauche; le cliquetis des ustensiles de ménage se mêle, sans s'accorder, avec la voix sourde et monotone des pigeons qui ramassent, en caquetant, leur grain sur le carreau. Il y a une petite table de bois blanc vers la droite, et un large coffre de chêne tout à' côté.

L'homme assis à cette petite table, c'est JeanPaul-Frédéric Richter, génie admirable, un Sterne si vous voulez, un Rabelais s'il vous plaît encore, quelque chose de plus ou de moins que tout cela, le plus original des écrivains modernes. Il est enveloppé d'une grosse redingote dont la boutonnière est ornée d'une fleur des champs. Observez ses traits, c'est une étude physiognomonique curieuse: rien ne s'y accorde; ils sont gigantesques et irrégu

liers; le feu jaillit de ses yeux mal fendus; et sur cette figure osseuse, vous trouvez un mélange de bonhomie et de fougue. Il tire à chaque instant du coffre ouvert à ses pieds de petits morceaux de papier, qu'il arrange et rattache bout à bout: citations, rêveries, extraits, recherches d'érudition, rognures, recoupes, amalgame de toutes les études, fragmens de mille couleurs, arlequinade savante, mystique, rêveuse, cynique, mélancolique. C'est ainsi qu'il compose ses ouvrages! Et ses ouvrages ne seront pas oubliés.

Les Allemands l'ont surnommé l'unique, JeanPaul Der Einzige.

Ils ont eu raison. Son isolement est tel que, dans toutes les langues de l'Europe, pas une traduction de ses œuvres n'a été tentée. Madame de Staël a esquissé son portrait littéraire ; on y remarque plus d'éclat que de fidélité. Lui-même s'en est plaint avec assez d'amertume. « Ah! madame, s'écrie-t-il avec une bonhomie railleuse, laissez-moi barbare; vous me faites trop beau!» Un fragment traduit par elle, et qui se trouve dans l'Allemagne ; un petit recueil de pensées publiées à Paris; quelques fragmens insérés dans

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