Зображення сторінки
PDF
ePub

phrases de trois pages sans virgule et des mots de trois lignes sans trait d'union. Il a des parenthèses qui enfantent des sous-parenthèses, mères à leur tour de petites parenthèses. Il vous jette des allusions sans nombre à ce que vous ne savez pas, à ce que vous ne saurez jamais, à une ligne égarée d'un auteur hébreu inconnu, à une expérience de physique tentée par un savant d'Odessa. Le ciel, la terre et l'enfer sont convoqués dans une période de Jean-Paul; non seulement les mots, mais les idées se heurtent chez lui d'une manière inouïe. Saillies épigrammatiques lancées au milieu d'une narration sentimentale; allusion grossière, licencieuse, au milieu d'une idée profonde ou mystique; mélange sans égal de calembourgs, de jurons, d'images gracieuses, de rébus, de citations savantes, de dissonances, de fantaisies. Il n'y a pas jusqu'à la géographie européenne que notre auteur travestit à son gré. Il invente des altesses, crée des marquisats, plante des rois à la Rabelais sur des trônes fictifs, fait des ministres pour se moquer d'eux, s'embarque dans des digressions qui usurpent des volumes, et fait un volume d'un

erratum.

Nous avons vu dans les aventures de l'aumônier Schmelzle des cités inconnues, Haarhaar, Scheerau, Flachsenfingen. Les traités sérieux que Richter a composés(car il a écrit des ouvrages sérieux) sont eux-mêmes enveloppés de ces formes fantastiques et partout, au milieu d'extravagances si répulsives, vous trouvez le même caractère, une tendresse secrète, un besoin de bienveillance et d'amour, une religion de cœur, une sympathie universelle, cachées sous le grotesque le plus bizarre. Ce parfum de bonté et de sensibilité devient enchanteur par le contraste; les scènes de la vie bourgeoise la plus humble vous émeuvent; les caricatures les plus grossières vous touchent : le sublime et le pathétique sont pris à rebours. Homère et Eschyle frappent le cœur d'une émotion grandiose, en faisant descendre du ciel les dieux sur la terre. Sterne, Cervantes, Richter, Crabbe, obtiennent le même résultat, en creusant pour ainsi dire les affections les plus communes, les scènes les plus vulgaires, pour y trouver l'émotion, le pathétique, l'intérêt, la philosophie, la profondeur.

Qu'un tel écrivain puisse être lu et goûté en

France (même dans de légers fragmens), voilà ce que l'on n'aurait jamais espéré il y a quinze années, et cet esprit de compréhension universelle et tolérante est le signe caractéristique d'un temps où les créations grandes sont rares, où l'intelligence éclectique domine.

III.

Une Exécution à mort.

Heroes unknown to Fame.

Héros que la gloire oublie.

BYRON.

J'ai traversé les trois royaumes. J'ai vu la Grande-Bretagne, accablée du poids de son ennui, de sa dette et de sa richesse; l'Irlande, soumise au plus cruel esclavage par la patrone des libertés constitutionnelles : l'Écosse et ses savans, ses rochers et ses femmes blanches comme la neige

aussi

qui couvre ses monts. J'ai vu ces trois îles, éloignées du reste de la civilisation qu'elles étaient isolées de l'ancien monde.

Plusieurs années de ma jeunesse passées dans ces brouillards, souvent pittoresques, toujours tristes, m'ont offert le moyen d'observer les seuls hommes qui, balançant l'aristocratie avec la royauté, aient fait du peuple le fléau de la balance. Là, malgré tout, c'est encore l'esprit national qui occupe le sommet.

Quelques vices moraux pèsent sur l'atmosphère anglaise (1).

Le premier est l'hypocrisie religieuse (Cant). On est dévot par ton et par mode, et la société est en proie à une sorte de pruderie incommode qui ne laisse un jeu naturel et libre ni aux sentimens ni aux idées.

Le second est une habitude de morgue muette, insociale et dédaigneuse, adoptée par le plus grand nombre des Anglais. A voir ces hommes si gon-flés et si vides, vous diriez ces vastes perruques

(1) Ces observations se rapportent à l'espace de temps qui s'est écoulé de 1815 à 1825. Depuis cette époque, les mœurs de la société anglaise ont subi une variation sensible,

« НазадПродовжити »