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ne fût écrit deux fois. « Je le fis transcrire propre<< ment sur une autre feuille, et quand il me renvoya « celle-là pour l'impression, presque chaque vers << avait été récrit encore une seconde fois. >>

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« Ja« mais, dit Johnson, il ne détachait son attention de la poésie. Si la conversation offrait un trait « dont on pût faire profit, il le confiait au papier; « si une pensée ou même une expression plus heu<< reuse que l'ordinaire se levait dans son esprit, il << avait soin de l'écrire; quand deux vers lui ve« naient, il les mettait de côté pour les insérer à « l'occasion. On a trouvé de petits morceaux de papier qui contenaient des vers ou des portions de << vers qu'il pensait achever plus tard. » Il fallait que son écritoire fût devant son lit avant son lever. Une nuit, chez lord Oxford, pendant le terrible hiver de 1740, de peur de perdre une idée, il fit lever quatre fois la femme qui le servait. Swift lui reproche de n'avoir jamais de loisir pour la conversation; la cause en est « qu'il a toujours en tête quel« que projet poétique. » Ainei rien ne lui manque pour atteindre l'expression parfaite la pratique d'une vie entière, l'étude de tous les modèles, l'indépendance de la fortune, la compagnie des gens monde, l'exemption des passions turbulentes, l'absence des idées maîtresses, la facilité d'un enfant prodige, l'assiduité d'un vieux lettré. Il semble qu'il ait été tout exprès muni de défauts et de qualités, enrichi d'un côté, appauvri d'un autre, à la fois écourté et développé, pour mettre en relief la forme

du

classique par l'amoindrissement du fond classique, pour présenter au public le modèle d'un art usé et accompli, pour réduire en cristal brillant et rigide la séve coulante d'une littérature qui finissait.

II

C'est un grand danger pour un poëte que de savoir trop bien son métier; sa poésie montre alors l'homme de métier et non le poëte. En vérité, je voudrais admirer les œuvres d'imagination de Pope; je ne saurais. J'ai beau lire les témoignages des contemporains et même ceux des modernes, me répéter qu'en son temps il fut le prince des poëtes, que son Épître d'Héloise à Abeilard fut accueillie par un cri d'enthousiasme, qu'on n'imaginait point alors une plus belle expression de la passion vraie, qu'aujourd'hui encore on l'apprend par cœur comme le récit de Théramène, que Johnson, ce grand juge littéraire, l'a rangée parmi « les plus heureuses pro«<ductions de l'esprit humain, » que lord Byron lui-même l'a préférée à l'ode célèbre de Sapho. Je la relis et je m'ennuie; cela est inconvenant; mais, en dépit de moi-même je bâille, et j'ouvre les lettres originales d'Héloïse pour chercher la cause de mon ennui.

Sans doute la pauvre Héloïse est une barbare, bien pis, une barbare lettrée; elle fait des citations savantes, des raisonnements; elle essaye d'imiter Ci

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céron, d'arranger des périodes; il le faut bien, elle écrit dans une langue morte, avec un style appris ; vous en feriez peut-être autant si vous étiez obligé d'écrire en latin à votre maîtresse. Mais comme le sentiment vrai perce à travers la forme scolastique! « Tu es le seul qui puisse m'attrister, qui puisse me consoler, qui puisse me donner de la joie...... Je << serais plus heureuse et plus orgueilleuse d'être appelée ta concubine que l'épouse de l'empereur...... <«< Jamais, Dieu le sait, je n'ai rien souhaité en toi « que toi-même. C'est toi seul que je désire, ce n'est « rien de ce que tu pouvais donner; ce n'est point << un mariage, une dot; je n'ai jamais songé à faire << mon plaisir ou ma volonté, tu le sais bien, mais << la tienne. » Puis des mots passionnés, de vrais mots d'amour'; puis ces mots si libres de la pénitente qui dit tout, qui ose tout, parce qu'elle veut guérir, parce qu'il faut montrer au confesseur, sa plaie, même la plus honteuse, peut-être aussi parce que dans l'extrême angoisse, comme dans l'accouchement, la pudeur s'en va. Tout cela est bien cru, bien rude; Pope a plus d'esprit qu'elle; aussi comme il lui en donne! Entre ces mains elle devient une académicienne, et sa lettre un répertoire d'effets littéraires. Peintures et descriptions: elle décrit à Abeilard le monastère et le paysage, «<les dômes <«< moussus couronnés de fines tourelles, les arches majestueuses qui changent en nuit la clarté du

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1. Vale, unice.

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grand jour, les vitraux qui versent sur les dalles << une clarté solennelle1, » puis « les rivières errantes «< qui luisent entre les collines, les grottes dont l'é« cho répète le bruissement des ruisseaux, les brises << mourantes qui viennent expirer sur les feuil " lages'. >> Tirades et lieux communs : elle envoie à Abeilard des dissertations sur l'amour et la liberté qu'il réclame, sur le cloître et la vie paisible qu'il peut donner, sur l'écriture et les avantages de la Antithèses et contrastes: elle poste aux lettres'. les expédie à Abeilard par douzaines, contraste entre le monastère illuminé par sa présence et le monastère désolé par son absence, entre la tranquillité de la religieuse pure et l'anxiété de la religieuse coupable, entre le rêve du bonheur humain et le rêve du bonheur céleste. - En somme, c'est un air de bravoure, avec oppositions de forte et de piano, avec variations et changements de ton; Héloïse exploite son motif, et s'occupe à y insérer toutes les habile

1.

In these lone walls (their day's eternal bound)

These moss-grown domes with spiry turrets crowned,
Where awful arches make a noon-day night,

And the dim windows shed a solemn light.

2.

The wand'ring streams that shine between the hills,
The grots that echo to the tinkling rills,

The dying gales that pant upon the trees,

The lakes that quiver to the curling breeze.

3.

Heaven first taught letters for some wretch's aid,
Some banished lover, or some captive maid;

They live, they speak, they breathe what love inspireş,
Warm from the soul, and faithful to its fires

The virgin's wish without her fears impart,
Excuse the blush, and pour out all the heart,
Speed the soft intercourse from soul to soul,
And waft a sigh from Indus to the pole.

tés et les réussites de sa voix. Admirez les crescendo et les roulades par lesquelles elle termine ses morceaux brillants; pour enlever l'auditeur à la fin du portrait de la nonne innocente, elle ira chercher « la « Grâce qui fait luire autour d'elle ses plus purs << rayons, les anges qui de leurs chuchotements « éveillent ses rêves dorés, les ailes des séraphins qui répandent sur elle leurs divins parfums, l'é« poux qui prépare l'anneau nuptial, les blanches « vierges qui chantent l'hyménée1, >> bref toute la garde-robe du Paradis. Remarquez les coups de grosse caisse, j'entends les grands moyens; on appelle ainsi tout ce que dit un personnage qui veut délirer et ne délire pas par exemple, parler aux rocs et aux murailles, prier Abeilard absent de venir, s'imaginer qu'il est présent, apostropher la Grâce, la Vertu, « la fraîche Espérance, riante fille du ciel, et «< la Foi, notre immortalité anticipée, >> entendre

1.

2.

:

How happy is the blameless Vestal's lot!
The world forgetting, by the world forgot.
Eternal sunshine of the spotless mind,

Each pray'r accepted, and each wish resign'd.
Labour and rest that equal periods keep,
Obedient slumbers that can wake and weep....
Desires compos'd, affections ever e'en,
Tears that delight, and sighs that waft to heav'n.
Grace shines around with serenest beams,
And whisp'ring angels prompt her golden dreams.
For her th' unfading rose of Eden blooms,
And wings of seraphs shed divine perfumes;
For her the spouse prepares the bridal ring,
For her white virgins Hymeneals sing,
To sounds of heav'nly harps she dies away,
And melts in visions of eternal day.

Oh grace serene! Oh virtue heavenly fair!
Divine oblivion of low-thoughted care!

LITT. ANGL.

III

24

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